Il défend son application pour certains crimes: Zeghmati relance le débat sur la peine de mort

Liberté, 1er octobre 2020

Près de trente ans après le moratoire sur la peine de mort, l’Algérie pourrait bien faire machine arrière.

Le ministre de la Justice a annoncé, mardi dernier à des sénateurs, que le gouvernement était sur le point d’étudier un nouvel amendement au code pénal de sorte à rétablir partiellement la peine de mort. Le garde des Sceaux n’a pas expliqué s’il s’agissait de lever le moratoire ou simplement de peines qui seront prononcées, mais sans exécution.

En réponse à un sénateur qui lui posait la question, ce mardi, sur les nouvelles dispositions qui seront contenues dans l’amendement du code pénal, Belkacem Zeghmati a annoncé que le gouvernement allait étudier la possibilité de rétablir la peine de mort pour les crimes liés au kidnapping d’enfants, à l’assassinat d’enfants et à la mutilation de cadavres.

Une sortie quelque peu surprenante d’autant plus que le gouvernement algérien a imposé un moratoire sur la peine de mort depuis 1993. Depuis cette date, aucune peine de mort n’a été exécutée. Bien au contraire, “les autorités algériennes défendent ce moratoire même dans les institutions internationales”, affirme Hassina Oussedik, directrice d’Amnesty International Algérie.

Notre interlocutrice a rappelé que “même durant la période des grands massacres des années 1990, l’Algérie n’avait pas recouru à la peine de mort”. Interrogée sur la position de son organisation par rapport à la sortie du ministre de la Justice, Hassina Oussedik avoue ne pas avoir lu la déclaration de Belkacem Zeghmati, mais elle exprime “une position de principe”.

“Nous sommes catégoriquement opposés à la peine de mort, et ce, quels que soient la situation ou le crime commis”, a-t-elle précisé. Pourquoi ? En plus d’être “une atteinte à la dignité humaine”, la peine de mort est “irréversible” car elle “peut tuer des innocents” et surtout “parce qu’elle n’est pas dissuasive”. Pour preuve, dans les pays qui la pratiquent encore, “le nombre de crimes n’a pas baissé”.

“Il ne sert donc à rien” d’appliquer cette sentence. C’est le cas de l’Algérie qui, en s’imposant un moratoire depuis 1993, reconnaît “quelque part que cela ne sert à rien”.

La défenseuse des droits de l’Homme est par contre “déçue” que l’abolition de la peine de mort ne soit pas clairement inscrite dans la proposition de l’amendement constitutionnel en cours. Le chiffre des condamnations à mort diminue régulièrement en Algérie, indique Mme Oussedik.

Sur le plan mondial, la directrice de la section algérienne d’Amnesty International rappelle que l’année 2019 a enregistré le nombre le plus bas des condamnations à mort exécutées dans le monde. Cela a représenté 5% de moins durant l’année précédente. Amnesty International a recensé au moins 657 exécutions dans 20 pays en 2019, enregistrées essentiellement en Arabie saoudite, en Égypte, en Chine, en Iran et en Irak.

Le chiffre reste approximatif puisque le nombre de personnes exécutées en Chine n’est pas connu avec exactitude. Contrairement au nombre d’exécutions, le nombre de pays qui souscrivent à l’abolition, en droit ou en pratique, augmente. Ils étaient 142 États, dont l’Algérie, à n’avoir exécuté aucun condamné à mort en 2019.

Ali BOUKHLEF