«La vérité sur le sort des disparus est tributaire du changement démocratique»
Madjid Makedhi, El Watan, 30 septembre 2020
«La véritable réconciliation passe par la réparation» et la «charte sur la réconciliation de 2005 a occulté ce volet». C’est ce qu’ont affirmé, hier, les participants à une conférence organisée par l’association SOS disparus à l’occasion du 15e anniversaire de cette charte adoptée par référendum, le 29 septembre 2005.
Organisée pour évoquer la question des disparitions forcées durant la décennie noire, la conférence a été une occasion pour les avocats Mostafa Bouchachi et Abdelghani Badi ainsi que les responsables de l’association de rappeler le «déni de la vérité» imposé par ce texte élaboré par le régime du président déchu, Abdelaziz Bouteflika. «L’article 45 de la charte interdit à quiconque de porter plainte contre les responsables de cette tragédie.
Même s’il y a dépôt de plainte, les juges n’ont pas le droit d’ouvrir une enquête», rappelle Me Bouchachi, en citant des cas de victimes empêchées de chercher leur proche, dont elles connaissaient les «ravisseurs».
Selon lui, la réconciliation en Algérie n’a pas eu lieu. «Pour ce faire, il faut passer par ce que l’on appelle la justice transitionnelle. Il faut qu’il y ait reconnaissance des crimes, demande de pardon et réparation. Les indemnités accordées par le pouvoir aux familles des victimes sont plutôt des aides sociales», soutient-il, précisant qu’«il ne faut rien attendre qu’un régime qui se recycle fasse la vérité sur cette question». «Le seul espoir reste dans le changement démocratique», ajoute-t-il.
Abdelghani Badi abonde dans le même sens. «Le nouveau régime, qui prétend se démarquer de l’héritage de Bouteflika, passe sous silence l’affaire des disparus. Il ne veut pas de vérité. Seul l’aboutissement des revendications du hirak peut permettre d’atteindre cet objectif», lance-t-il, précisant que le pouvoir qui a promis devant les instances onusiennes de ne pas mettre en œuvre l’article 45 de la charte, l’a déjà enclenché «en poursuivant Abdallah Ben Naoum pour évocation de la tragédie nationale».
Intervenant par visioconférence, la présidente de SOS disparus, Nassira Dutour, rappelle que de nombreuses mères de disparus sont décédés sans connaître la vérité et sans avoir fait le deuil de leurs enfants.
De son côté, Hassan Farhati, membre de l’association, répond à l’ancien président de la CNCPPDH, Farouk K’Sentini, qui avait déclaré, récemment sur une chaîne de télévision, «qu’il ne sait pas qui est responsable des disparitions forcées». Pour lui, l’avocat se «contredit et revient même sur ses anciennes déclarations lorsqu’il était chargé de faire un rapport sur la question».