Réunion de «concertation nationale» au Mali : Des experts proposent une transition de deux ans
Après le putsch, le Mali pourrait passer deux ans sous la conduite d’un Président désigné par la junte, avant un retour des civils au pouvoir.
Cette proposition sur laquelle des centaines de responsables réunis à Bamako doivent se prononcer, ont rapporté hier des médias, est formulée par un groupe d’experts nommés par les militaires qui ont renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août. La «charte de la transition» où elle figure instaurerait pendant deux ans un régime dans lequel les militaires pèseraient lourd. Or, les voisins du Mali au sein de la Communauté des Etats ouest-africains (Cédéao) réclament un retour des civils dans un an maximum, au terme d’une transition dirigée par des civils.
La Cédéao a donné à la junte jusqu’à mardi pour désigner un Président et un Premier ministre civils. Elle a imposé au Mali un embargo sur les flux commerciaux et financiers.
La «charte» proposée est à présent entre les mains des centaines de personnalités politiques, syndicalistes, membres de la société civile et militaires rassemblés depuis jeudi pour s’entendre sur les termes de la «transition» promise par la junte et censée ramener les civils à la tête d’un pays communément décrit comme en voie de sombrer sous l’effet de la crise sécuritaire, politique et économique. Ils devront surmonter des dissensions de plus en plus patentes, moins d’un mois après un putsch favorablement accueilli par des Maliens exaspérés par la persistance des attaques djihadistes et des violences intercommunautaires et l’impuissance étatique dans tous les domaines.
La «charte », document le plus attendu des «journées de concertation nationale» ouvertes jeudi jusqu’à samedi à l’initiative de la junte, met en place les organes transitoires comblant le vide actuel, avec un Président renversé, un gouvernement vacant depuis des mois, une Assemblée dissoute. Le document, élaboré par les experts nommés par la junte et supposés faire la synthèse de concertations antérieures, prévoit que le président de la transition, qui remplirait les fonctions de chef de l’Etat et veillerait au respect de cette même charte, soit «choisi par le Comité national pour le salut du peuple» (CNSP), à savoir la junte.
Ce serait «une personnalité civile ou militaire». Il serait nommé par le président. Un organe législatif serait instauré, le chef en serait un militaire. La même junte et «les forces vives de la Nation» proposeraient le nom du Premier ministre. Ces organes resteraient en place jusqu’à l’installation de nouvelles institutions à l’issue d’élections générales. «Au regard de l’ampleur des tâches», de l’objectif fixé de «refondation de l’Etat », «de la complexité, de la gravité et de la profondeur» de la crise, «la durée de la transition est fixée à 24 mois», est-il soutenu dans le document.
Divisions
La durée de la transition, la provenance de ceux qui en auront la direction, conjuguées aux intérêts particuliers des uns et des autres en prévision de la répartition des postes, divisent de plus en plus ouvertement les forces maliennes. Les partisans d’une transition longue confiée aux militaires arguent du temps et de l’autorité nécessaires pour créer les conditions d’un redressement dans un pays au bord du gouffre. Les autres invoquent au contraire le risque d’une instabilité encore accrue dans un Sahel déjà gagné par l’insécurité djihadiste, et le mauvais exemple régional donné par une junte maintenue durablement au pouvoir.La junte a initialement parlé d’une transition de trois ans sous la conduite d’un militaire. Elle s’est heurtée au refus net de la Cédéao.
La junte a promis une transition vers un pouvoir civil. Mais la forme et la durée de cette transition, deux sujets de friction avec la Cédéao, le Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques M5-RFP qui a canalisé l’exaspération des Maliens contre le Président déchu, réclament d’être placé sur un pied d’égalité avec la junte. Il l’avait accusée de chercher à «confisquer» le changement. Figure importante du mouvement de contestation contre le président Keita, l’imam Mahmoud Dicko, a prévenu les militaires qu’ils n’ont pas «carte blanche».
La junte a proposé initialement une durée de trois ans sous la conduite d’un militaire, avant de rabaisser la barre à deux ans. Le M5-RFP a de son côté proposé une transition de 18 à 24 mois, avec des civils aux commandes.