Recours abusif à la détention provisoire : Le président du Syndicat des magistrats dénonce

Mokrane Ait Ouarabi, El Watan, 23 août 2020
 
Le président du Syndicat national des magistrats (SNM), Yassad Mabrouk, dénonce vivement le recours abusif à la détention provisoire qu’il attribue à la persistance de certains vieux réflexes.

Dans un texte posté sur son compte Facebook, le président du SNM a lancé le débat sur la question qui préoccupe l’opinion publique. M. Mabrouk commence par faire remarquer le silence des services du ministère de la Justice sur le sujet, alors qu’«il est de son devoir d’éclairer sur la réalité des questions procédurales et judiciaires, qui intéressent l’opinion publique, laquelle se trouve aujourd’hui otage des avis et points de vue véhiculés par les réseaux sociaux souvent dénués de toute objectivité».

Le président du SNM rappelle l’exceptionnalité de la détention provisoire, telle que spécifié par le code des procédures pénales. «J’étais et je continue à être de ceux qui considèrent que la liberté des gens est sacrée et la détention provisoire pour tout accusé est une mesure d’extrême exceptionnalité.

Malheureusement, la mentalité de certains juges fait de cette mesure exceptionnelle une règle, sans la moindre intervention, de quelque le nature que ce soit. C’est une problématique que je ne peux cependant débattre sur cet espace puisque mon sujet d’aujourd’hui est la question de la remise en liberté à travers la procédure du référé d’un détenu placé en détention provisoire», relève-t-il.

Le président du SNM cite comme exemple le cas de l’ex-correspondant de la chaîne de télévision française France 24, Moncef Aït Kaci, dont la détention a provoqué beaucoup de bruit.

En effet, Moncef Aït Kaci a été placé en détention provisoire à la prison d’El Harrach le 29 juillet et libéré le lendemain, le 30 juillet, après une action en référé.

Une décision qui a suscité une forte polémique, notamment sur les réseaux sociaux. Certains sont allés jusqu’à accuser la justice de n’avoir même pas pris la peine de respecter les formes.

Pour Yassad Mabrouk, la décision de la justice sur ce dossier a été conforme à l’esprit de la loi qui protège tout mis en cause et lui garantit ses droits.

«Le référé qui protège les droits de l’accusé et corrige l’erreur du juge de la première instance avec un minimum de dégâts est une application de l’esprit de la loi», précise-t-il, regrettant dans ce sillage que cette procédure ne soit pas appliquée à tous les justiciables. Le président du SNM estime que cette situation pose le problème du principe de l’égalité devant la justice.

«C’est même scandaleux d’accélérer le traitement de certains dossiers et de laisser traîner d’autres», poursuit-il, évoquant ainsi un dysfonctionnement «dangereux» qu’il faudra vite corriger.

«L’appel en référé dans l’affaire de la détention provisoire du (ex) correspondant de France 24 et celle de l’agent de la Protection civile (qui a eu une altercation verbale avec un médecin) s’il n’est pas le résultat de pressions ou d’injonctions reste légal et légitime ; par contre, le refus de la demande du report du dossier de Karim Tabbou devant le tribunal d’Alger pour ne pas le libérer est une erreur qui ne correspond pas aux règles d’un procès équitable», soutient-il.

Il considère ainsi que «l’instauration de procès équitables et légitimes, loin du populisme de certains et de la flatterie et la servilité d’autres, constitue la véritable bataille pour l’indépendance de la justice, qui nécessite la conjugaison de tous les efforts, avec une prédisposition à faire des sacrifices pour arriver à un résultat».