Assassinat du président Mohamed Boudiaf: Nacer Boudiaf demande la réouverture du dossier

Liberté, 6 août 2020

Vingt-huit ans après, le dossier de l’assassinat du président Mohamed Boudiaf refait surface. Alors que la justice avait condamné le lieutenant-colonel M’barek Boumaârafi comme étant l’assassin du chef de l’État et conclu à “l’acte isolé”, son fils Nacer Boudiaf ne semble pas convaincu de cette thèse. Dans une lettre adressée au président Abdelmadjid Tebboune, le fils de l’ancien président du Haut-Comité d’État demande la réouverture du dossier.

Dans sa missive, dont nous détenons une copie, Nacer Boudiaf se plaint d’abord de l’absence de réponse du ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati. Après avoir déposé une lettre au ministère de la Justice au mois d’octobre dernier, “demandant la réouverture du dossier”, sa démarche “n’a pas eu de réponse de la part du ministre Zeghmati, ne serait-ce que par politesse”, écrit-il au chef de l’État, avant d’arriver à l’essentiel : sa requête est justifiée par “l’apparition d’éléments nouveaux” dans le dossier de l’assassinat de Mohamed Boudiaf.

Il s’agit d’abord du témoignage de la directrice du journal El Fadjr, Mme Hadda Hazem “qui nous apprend que des responsables de médias étaient au courant de l’assassinat du Président quelques heures avant le drame !”. Hadda Hazem, qui était à l’époque au journal El Massa, rapporte que son ancien rédacteur en chef, Mokkadem El-Hocine, est entré à la rédaction du journal vers 9 h en déclarant aux collègues : “Aujourd’hui, ils vont buter Boudiaf à Annaba.”

Le deuxième témoignage est “celui de l’ex-chef de bureau du journal Le Soir d’ Algérie, Omar Touati, qui vient de publier un livre qui s’intitule ‘J’accuse’ où il remet en cause la version officielle”, assurant que “ce n’est pas Boumaârafi qui a tué Boudiaf”, note Nacer Boudiaf. Il rappelle également la citation de l’ancien ambassadeur de France à Alger, Bernard Bajolet, qui avait affirmé que “nous regrettons de ne pas avoir donné sa chance à Boudiaf”.

Pour le fils de l’ancien Président, ces révélations “ne laissent plus de doute, je vous demande la réouverture de ce dossier, vu ces fracassantes nouvelles”. Plus que cela, il lance un défi au chef de l’État. Un refus de rouvrir le dossier de l’assassinat de Mohamed Boudiaf “sera considéré comme une injustice envers notre famille et envers les Algériens”, note Nacer Boudiaf qui gère depuis quelques années la fondation qui porte le nom de son défunt père.

“Seule la réouverture du procès sur son assassinat exprimera les réelles intentions du pouvoir en matière de justice, et prouvera au monde extérieur que nous n’avons pas besoin d’une justice venue d’ailleurs pour mettre fin à l’impunité du lâche assassinat de Mohamed Boudiaf”, conclut Nacer Boudiaf.

Mohamed Boudiaf, désigné président du Haut-Comité d’État (HCE), une instance collégiale qui avait remplacé la fonction de président de la République après l’arrêt du processus électoral en janvier 1992, a été assassiné le 29 juin de la même année au Théâtre régional d’Annaba alors qu’il animait un meeting.

L’enquête diligentée pour faire la lumière sur l’affaire a conclu que le lieutenant-colonel M’barek Boumaârafi était l’assassin du Président et qu’il avait agi “seul”. Il a été condamné à mort par la Cour criminelle d’Alger en mai 1995. Il est toujours en prison.

A. B.