Spirale de violence au Mali : Au moins 40 villageois et soldats tués Village dogon, après le passage de groupes armés
L’attaque de villages dogons du centre du Mali et une embuscade contre les soldats maliens ont fait au moins 40 morts civils et militaires, dans les dernières tueries qui ont ensanglanté le pays, a rapporté vendredi l’AFP.
Les événements survenus mercredi et jeudi dans le secteur de Bankass, près de la frontière du Burkina Faso, illustrent une fois encore le cycle de violences djihadistes et communautaires au Sahel et au Mali, malgré l’intervention de forces onusiennes, africaines et françaises.
Le centre du Mali, notamment la région de Mopti, la grande ville à quelque 600 kilomètres de la capitale Bamako, constitue un des principaux foyers des violences parties du Nord en 2012 et qui se sont propagées depuis 2015 vers le sud du pays, mais aussi au Burkina Faso et au Niger voisins. Elles sont dans cette région le fait de groupes armés, parfois «d’autodéfense», et djihadistes, opposant aussi les communautés.
C’est dans le même secteur de Bankass qu’une trentaine de villageois ont été tués en février à Ogossagou, où 160 civils avaient déjà été massacrés le 23 mars 2019. Il s’agissait alors de Peuls.
Mercredi, des hommes armés en tenue de combat et montés sur des pick-up ont attaqué quatre villages dogons, a indiqué vendredi un responsable local s’exprimant sous le couvert de l’anonymat. L’opération a fait «au moins 30 morts, dont des femmes, des enfants, des vieillards (et) de nombreux disparus», a-t-il précisé.
Un détachement s’est rendu sur place le soir même et a participé à l’enterrement de 31 corps avant de repartir, a indiqué le porte-parole de l’armée, le colonel Diarran Koné. L’armée a de nouveau été dépêchée sur place le lendemain à la suite d’informations sur une nouvelle attaque, a-t-il dit. A son arrivée, «aux environs de 20h, le village semblait désert, il n’y avait aucun signe de vie pratiquement».
C’est alors que les soldats sont tombés dans une embuscade, a-t-il déclaré en se gardant de dire qui en seraient les auteurs. «Nous déplorons neuf morts et deux blessés, et nous avons aussi enregistré du matériel détruit», a-t-il ajouté.
Depuis l’apparition en 2015 de groupes armés, à commencer par celui de l’imam radical peul Amadou Koufa affilié à Al Qaîda, le Centre est le théâtre d’exactions en tous genres : attaques contre le peu qu’il reste de l’Etat, massacres, représailles, entre autres.
Les violences ont pris un caractère communautaire accru, surtout entre Dogons et Peuls, souvent assimilés aux djihadistes, le groupe d’Amadou Koufa recrutant prioritairement parmi cette communauté. A ces violences s’ajoutent les exactions des forces de sécurité contre les civils, Peuls surtout, selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH).
En tout, 580 personnes ont été tuées dans le Centre au premier semestre, selon un communiqué rendu public le 26 juin par la responsable du HCDH, Michelle Bachelet.
Cataclysme
Du 1er janvier au 21 juin 2020, la division des droits de l’homme et de la protection de la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation au Mali (Minusma) a examiné 83 incidents de violences intercommunautaires dans la région de Mopti (centre du Mali). Les milices appartenant à la communauté peule ont été responsables d’au moins 71 de ces incidents violents, entraînant la mort de 210 personnes. En parallèle, celles issues de la communauté dogon ont perpétré 12 attaques, faisant au moins 82 morts.
Des personnes ont également été enlevées, contraintes de rejoindre des milices communautaires ou déplacés, les assaillants visent à infliger des dommages importants et durables aux communautés, en incendiant des maisons, en pillant des biens et des greniers et en tuant ou en volant du bétail.
Ces attaques intercommunautaires ont également été alimentées et instrumentalisées par Al Qaîda au Maghreb islamique, l’Etat islamique dans le Grand Sahara, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans et autres groupes armés similaires ou affiliés, qui ont utilisé la violence intercommunautaire pour recruter des membres dans leurs rangs.
Ces groupes armés ont accru leur présence dans les régions du Centre, alors qu’ils continuent d’être mis en difficulté dans le nord du Mali par les forces nationales et internationales. Selon les données de la Division des droits de l’homme et de la protection, depuis le début de l’année, ces groupes ont été responsables de 105 atteintes aux droits de l’homme dans la région de Mopti, notamment la mort de 67 personnes.
Des membres des forces de défense et de sécurité maliennes (FDSM) envoyés dans la région pour lutter contre la violence communautaire et des groupes armés ont eux-mêmes été impliqués dans des violations des droits de l’homme, ciblant principalement des membres de la communauté peule. A ce stade de l’année, la Division des droits de l’homme et de la protection a recensé 230 exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires attribuées à des membres des FDSM dans les régions centrales de Mopti et Ségou.
Quarante-sept de ces morts, survenues lors de cinq incidents qui ont eu lieu en mars 2020, sont attribués aux forces de défense et de sécurité maliennes, agissant probablement sous le commandement de la Force conjointe du groupe des cinq pays du Sahel (Niger, Tchad, Mauritanie, Burkina Faso, Mali ).