Abdelmalek Droukdel tué au Mali : La fin du dernier des chefs terroristes algériens

Zine Cherfaoui, El Watan, 07 juin 2020

Décimée au Maghreb, la nébuleuse Al Qaîda semble avoir trouvé un terrain fertile au développement de ses activités criminelles en Afrique de l’Ouest. L’intervention de la France dans le nord du Mali en 2013 a eu pour effet de contraindre les terroristes à se réfugier au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Niger et au Togo.

L’élimination, mercredi, du chef d’Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI), Abdelmalek Droukdel, dans le nord du Mali, au cours d’une opération de l’armée française, marque la fin du contrôle par des chefs terroristes algériens des principaux groupes armés actifs en Afrique du Nord et au Sahel.

Dans ces deux régions, la majorité des groupuscules affiliés à l’Etat islamique et ou à Al Qaîda sont désormais dirigés par des Sahéliens, comme c’est le cas du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) qui est commandé par le Targui Iyad Ag Ghali.

Le terrorisme au Niger, au Nigeria et au Burkina Faso a de plus en plus tendance à être un phénomène autochtone. Il l’est aussi au Mali avec l’apparition de la Katiba du Macina.

La présence de Abdelmalek Droukdel dans le nord du Mali, après avoir séjourné en Libye, confirme également le déplacement de l’épicentre de la violence ou de la terreur du Maghreb vers le Sahel.

Selon un expert algérien du terrorisme, «ce basculement s’explique avant tout par la pression constante mise par l’armée algérienne sur les groupes terroristes».

Cette pression a été telle, explique la même source, que «l’Etat islamique a été par exemple dans l’incapacité de s’implanter en Algérie». C’est cette même pression qui a conduit les terroristes à «migrer» au Sahel.

A l’exception de l’attaque de Tiguentourine, le 16 janvier 2013, l’Algérie ne connaîtra d’ailleurs pas d’attentats importants. On retrouve également de moins en moins d’Algériens dans les groupes terroristes de la région.

Le constat, indique l’expert algérien, vaut également pour la Tunisie. Les autorités tunisiennes se sont donné les moyens ces dernières années d’étouffer dans l’œuf toute velléité des groupes terroristes locaux ou régionaux de faire de la Tunisie une de leurs bases arrière.

«Hormis certaines attaques sanglantes, les services tunisiens de sécurité ont procédé à un maillage du territoire tunisien qui n’a laissé pratiquement aucune marge de manœuvre aux terroristes comme le montrent les nombreux coups de filet opérés ces derniers mois», affirme la même source.

L’Algérie et la Tunisie mènent par ailleurs régulièrement des opérations antiterroristes conjointes qui ont permis le démantèlement de nombreuses cellules terroristes et l’élimination de plusieurs chefs terroristes.

La mobilisation des services de sécurité algériens et tunisiens ont sans conteste conduit à un important affaiblissement d’Aqmi et des groupes locaux qui lui sont affiliés, ce qui conduira d’ailleurs leur chef à fuir au Mali.

Il n’y a qu’en Libye, en raison de l’instabilité qui y règne, où les groupes «qaédistes» bénéficient encore d’une relative marge de manœuvre.

Mais pour de nombreux experts du terrorisme, Al Qaîda au Maghreb islamique était déjà devenue ces dernières années une sorte de coquille vide, ce qui expliquerait les rares apparitions de Abdelmalek Droukdel connu aussi sous le nom de guerre Abou Moussab Abdelwadoud.

Al Qaîda au Maghreb islamique pourra-t-il rebondir sous la coupe d’un nouveau chef terroriste ?

Un spécialiste des mouvements terroristes au Maghreb estime qu’«Aqmi ne survivrait probablement pas à la mort de Droukdel», surtout que sa raison d’être était d’activer au Maghreb et non pas au Sahel où la compétition entre les groupes terroristes est féroce, comme en témoigne la guerre fratricide qui oppose actuellement l’une de ses filiales maliennes, le GSIM, à l’Etat islamique au grand Sahara (EIGS) dirigé par Adnane Abou Walid Al Sahraoui.

Décimée au Magreb, la nébuleuse Al Qaîda (tout autant d’ailleurs que le EIGS) semble en revanche avoir trouvé un terrain fertile au développement de ces activités criminelles en l’Afrique de l’Ouest.

L’intervention de la France dans le nord du Mali en 2013 a eu pour effet de contraindre les terroristes à se réfugier au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire, au Niger et au Togo.

Certains groupes se revendiquant de l’Etat islamique ont même signalé leur présence au Mozambique et en République démocratique du Congo en signant plusieurs attaques.