Il dénonce des «forces du mal qui instrumentalisent la justice»: Le syndicat des magistrats appelle Tebboune à intervenir

Salima Tlemcani, El Watan, 27 avril 2020

Le Syndicat national des magistrats (SNM) appelle le président, Abdelmadjid Tebboune, à prendre des «mesures urgentes» pour protéger le magistrat «de tous les abus et toutes les pressions et interférences qui portent atteinte à l’exercice de sa mission et à la crédibilité de ses décisions».

Dans un communiqué signé par son bureau exécutif, il lui demande également de «neutraliser les forces du mal et de domination qui ont instrumentalisé la justice de manière horrible contre l’intérêt du citoyen et du pays». L’organisation syndicale s’interroge sur son «exclusion» par le ministère de la Justice, de l’élaboration du projet de loi portant amendement du code pénal qui, selon elle, s’est faite de manière «unilatérale par le ministère et a donné lieu à un résultat très pauvre et élastique pour certains articles.

Ce qui constitue une atteinte flagrante à la légitimité pénale, qui exige une définition précise des crimes afin de préserver les libertés et les droits fondamentaux des individus».

Abordant la situation des magistrats, le syndicat a «regretté» la mise sous mandat de dépôt, le 23 avril, du procureur adjoint du tribunal de Aïn M’lila, par le juge d’instruction près le tribunal de Aïn El Beïda, «en vertu de la demande complémentaire du parquet, qui a requis une deuxième inculpation et réclamé la mise sous mandat de dépôt, alors que le confrère avait été placé en liberté par la chambre d’accusation près la cour d’Oum El Bouaghi, le 14 avril dernier». Le SNM précise «qu’il s’agit là de la même procédure utilisée contre le procureur adjoint près le tribunal de Tiaret.

Ce qui confirme l’acharnement du ministre de la Justice contre les magistrats à travers le recours à des poursuites et à leur mise en détention pour des raisons revanchardes, liées à leurs positions lors du mouvement de contestation, auquel a appelé le syndicat le 26 octobre dernier». Le SNM affirme, par ailleurs, qu’après la mise en liberté du procureur adjoint du tribunal de Aïn M’lila, par la chambre d’accusation d’Oum El Bouaghi, «la présidente de cette juridiction a été limogée et tous ses membres mutés».

Le syndicat considère ces «pratiques» comme «une pression, voire une limitation du travail judiciaire et une violation de l’article 166 de la Constitution, qui consacre la protection du magistrat de toute forme de pression et d’interférence, et l’article 165 qui stipule que le juge ne doit obéir qu’à la loi».

Revenant sur le cas du procureur adjoint du tribunal de Tiaret, placé sous mandat de dépôt par le juge du tribunal de Frenda, près la cour de Tiaret, le 24 mars dernier, le Syndicat national des magistrats affirme «avoir usé de son droit pour faire passer une mise au point au niveau de la Télévision publique, afin de corriger les informations erronées qu’elle a diffusées et qui portent atteinte à la dignité du confrère et à son droit à la présomption d’innocence. Malheureusement, ce droit a été refusé sous prétexte que la source d’information était crédible.

De ce fait, le syndicat se trouve dans l’obligation de déposer plainte en référé pour la diffusion de la précision, en vertu de l’article 108 du code de l’information». Le SNM annonce par la même occasion que le procureur adjoint du tribunal de Tiaret, en détention, a décidé, «pour la seconde fois, d’entrer en grève de la faim pour dénoncer l’injustice dont il fait l’objet» et lui affirme son «entière solidarité».

Il prend acte des déclarations du président Tebboune sur «les décisions rendues par les juges qui protègent le pays de la corruption et les citoyens de l’injustice», qu’il voit comme une réponse à son appel du 27 mars 2020.

C’est la seconde fois, en un mois, que le Syndicat national des magistrats dénonce les «abus, injustices, interférences et pressions», dont font l’objet les magistrats dans l’exercice de leur mission.

Il y a un mois, il avait dressé un tableau noir de la situation des magistrats, notamment les syndiqués, qui, selon lui, font l’objet de «poursuites arbitraires». Les deux procureurs en détention font partie des animateurs de l’organisation syndicale.