Le drame des travailleurs journaliers

Conséquence des restrictions imposées à certaines activités et aux transports

Liberté, 7 avril 2020

Ces travailleurs, déjà dans la précarité, et piégés par les mesures de confinement, se retrouvent dans le dénuement. Aucune mesure n’a été prévue par le gouvernement pour leur prise en charge.

Les mesures de confinement, de restriction de circulation et d’encadrement des activités de commerce et d’approvisionnement des citoyens, prises par les pouvoirs publics pour lutter contre la propagation de l’épidémie de coronavirus, ont fortement impacté la vie de certaines catégories de travailleurs. Sans travail, des milliers d’ouvriers et de journaliers se retrouvent du jour au lendemain sans ressources pour nourrir leur famille.

Si pour 50% des personnels des institutions et administrations publiques et du secteur économique, public et privé, mis en congé conformément à la décision des pouvoirs publics, le problème ne devrait pas se poser, ce n’est pas le cas pour les ouvriers et les journaliers qui, souvent, travaillent au noir. Pour cette dernière catégorie, l’État semble n’avoir rien prévu, du moins pour l’instant. Selon une enquête du Centre de recherche en économie appliquée pour le développement (Cread), publiée en mai 2019, l’emploi informel absorbe près de 56% de la main-d’œuvre juvénile.

Les non-affiliés à la Sécurité sociale représentent 57,7% de l’ensemble des jeunes occupés. Des statistiques officielles, de 2017, font état de plus de 6,2 millions de personnes qui ne sont pas affiliées à la Sécurité sociale, contre seulement 4,7 millions qui bénéficient de couverture sociale, ce qui donne un taux de non-affiliation de l’ordre de 57% des travailleurs qui seraient dans l’informel. Ces travailleurs, exerçant auparavant dans la précarité, piégés par les mesures de confinement, se retrouvent dans le dénuement.

Aucune mesure n’a été prévue par le gouvernement pour prendre en charge ces travailleurs durant cette situation exceptionnelle. Certains pays ont prévu des mécanismes pour permettre d’alléger un tant soit peu le fardeau des travailleurs. C’est le cas de la France qui a mis en place le chômage partiel. Le système est ouvert aux employés à domicile, aux assistantes maternelles ainsi qu’aux VRP et aux salariés dont le temps de travail est décompté en jours et non pas en heures. Un salarié sur quatre en France bénéficie actuellement de ce dispositif.

En Algérie, la Caisse nationale d’assurance chômage (Cnac) aurait pu constituer un véritable outil de lutte contre le chômage, mais aussi un instrument entre les mains de l’État pour la prise en charge des préoccupations des travailleurs dans les moments de crise. La Cnac, qui avait pour vocation, à sa création, d’atténuer ou “amortir” les effets sociaux consécutifs aux licenciements massifs des travailleurs salariés du secteur économique décidés en application du plan d’ajustement structurel (PAS), a connu différentes étapes dans son parcours, toutes caractérisées à chaque fois par la prise en charge de nouvelles missions qui lui sont confiées par les pouvoirs publics.

“L’indemnisation du chômage a bénéficié, à la fin 2006, à 189 830 chômeurs allocataires sur un total de 201 505 travailleurs licenciés dont les dossiers d’inscription ont été réceptionnés. Parmi les 189 830 allocataires pris en charge, 176 769 — soit 94% du total des allocataires admis — ont épuisé leurs droits à la fin 2006”, indique la Caisse sur son site internet. Mais pour certains experts, la Cnac n’a plus aujourd’hui les moyens financiers pour faire face aux conséquences de l’épidémie de coronavirus sur les entreprises.

Et c’est, entre autres, pour cela que les pouvoirs publics se retrouvent aujourd’hui complètement désarmés devant le drame des travailleurs précaires qui se déroule sous nos yeux.

Meziane Rabhi