Des appels pour la libération des détenus d’opinion: «Nos prisons sont propices à la propagation de l’infection»
Nabila Amir, El Watan, 29 mars 2020
Des médecins, des hommes de loi, des défenseurs des droits de l’homme, des organisations internationales lancent des appels à libérer en urgence les détenus d’opinion.
Nos prisons, selon eux, ne peuvent respecter les recommandations de l’OMS pour éviter l’expansion de l’épidémie, en raison de leur surpeuplement et aussi des conditions d’internement qui affaiblissent le détenu, l’exposant ainsi à des formes graves, voire mortelle de la maladie. «Le milieu carcéral est propice à la propagation de l’infection, il est donc de la responsabilité du premier magistrat du pays de libérer au plus vite les détenus d’opinions», avertit Fatima Asselah, professeur de médecine et ancienne cheffe de service à l’hôpital Mustapha Bacha.
Il serait sage, préconise Mme Asselah, de libérer au plus vite les détenus d’opinion, afin d’éviter des drames dont les répercussions seraient fâcheuses pour eux, pour leurs familles et pour l’ensemble des Algériens. Pour ce professeur, il serait également judicieux de libérer les détenus de délits mineurs, à la fois, pour les protéger contre l’infection et leur éviter une sentence disproportionnée.
Ces détenus devraient être libérés à court terme, car ils courent le risque d’être infectés, ce qui représenterait un risque pour les gardiens de prison et le reste de la population. «Les mesures prises par les pouvoirs publics dans ce domaine visent à couper du monde extérieur les détenus, ce qui aggrave leur détresse psychique sans réduire le risque de contagion, le virus étant vraisemblablement déjà en circulation depuis quelques semaines», explique ce professeur en médecine, qui estime que les dispositions que proposent les médecins sont urgentes et ont pour but de réduire la mortalité et le poids de la prise en charge médicale.
En cette période de pandémie où des gouvernements du monde entier tentent de vider leurs prisons, les autorités algériennes doivent, affirme Amnesty International, faire de même en libérant tous ceux et celles qui sont emprisonnés uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et de manifestation.
Elles doivent aussi de l’avis de cette ONG considérer la libération des autres détenus, notamment ceux et celles en détention provisoire et dont la santé pourrait être en danger et prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé de tous les prisonniers.
Les même inquiétudes sont affichées par la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), qui pense que la crise sanitaire qui touche actuellement l’ensemble des continents devrait plus que jamais inciter les Etats à libérer tous les défenseurs arbitrairement détenus, et non à les emprisonner. L’avocat Khaled Bouraya fait carrément le procès de la justice.
Il interpelle dans ce sens le président Tebboune pour qu’il mette fin à cet acharnement judiciaire, notamment à l’encontre des manifestants et activistes du hirak.
Pour cet homme de loi, les graves dérives de la justice que tout le monde espérait voir résorbées par la dynamique du hirak se sont paradoxalement amplifiées et les droits et libertés en régression continue ont atteint des seuils jamais égalés dans le passé.
«L’incroyable ignominie, sans pareille depuis l’instauration du système judiciaire et dont a été victime Karim Tabbou traduit fidèlement l’état de délabrement particulièrement avancé de ce système. La conduite de jugement telle qu’exercée par le magistrat de l’audience est une grave déconfiture du système national», accuse Me Bourayou.
Maîtres Noureddine Benissad, Zoubida Assoul et Badi et tant d’autres robes noires trouvent «insensé et choquant» d’emprisonner en pleine épidémie de coronavirus des Algériens pour avoir exprimé leur opinion.