Les pressions et les intimidations contre les hirakistes n’ont pas cessé

En pleine trêve due à la lutte contre le coronavirus

Liberté, 28 mars 2020

De nombreuses convocations sont envoyées par la police et la gendarmerie aux militants politiques, au moment où la justice ne chôme pas dans le traitement des dossiers liés au hirakistes.

Les klaxons d’une longue file de véhicules ont rompu le silence dans la nuit de jeudi à vendredi à Kherrata, dans la wilaya de Bejaïa. La circulation étant rapidement saturée, les occupants ont quitté leurs voitures et ont manifesté leur solidarité au militant politique Karim Tabbou. C’est la première contestation de rue dix jours après l’entame de la trêve observée par le hirak. L’incartade à la ligne de conduite n’a pas fait d’émules.

Conscients du risque endémique au Covid-19, les Algériens sont restés, vendredi, confinés à domicile, la raison prévalant à la révolte. Les plus timorés à se positionner sur la situation politique, relèvent, désormais sur les réseaux sociaux, une promptitude des pouvoirs publics à profiter de la suspension des marches et des rassemblements pour lancer les représailles contre le mouvement citoyen.

La condamnation du coordinateur de l’UDS (Union démocratique et sociale, parti non agréé) à une année de prison ferme par le président de la chambre correctionnelle près la Cour d’Alger dans des circonstances controversées à deux jours de sa libération, est un exemple édifiant. La décision de la chambre d’accusation de la Cour d’Alger de placer le journaliste Khaled Drareni sous mandat de dépôt, tout en maintenant les activistes Samir Belarbi et Slimane Hamitouche en détention préventive, conforte davantage la thèse.

Cette dernière est corroborée, par ailleurs, par les multiples convocations à se présenter aux brigades de la police judiciaire et de la Gendarmerie nationale ou devant le juge d’instruction, adressées à des citoyens impliqués dans l’insurrection populaire contre le régime (l’étudiante Anaïs Matari, Sohaïb Debaghi et Samy Rahmani à Alger ; Sohaïb Chaouchi et Meziane Koufi à Boumerdès ; Mohamed Achiche à Aïn Defla ; Khadidja Dahmani à Chlef ; Abdelhak Oubraham à Ouargla, Farid Machane à Bejaïa…). Le régime a peut-être tort de croire pouvoir exploiter ainsi la crise sanitaire et les peurs liées à la contamination au coronavirus.

Ces derniers jours, les Algériens dénoncent, massivement sur la Toile, ce qui est considéré comme des dérives judiciaires et un reniement de l’accord tacite de mettre en parenthèse les hostilités. “Ce système pourri exploite le coronavirus, la préoccupation des gens sur la santé publique et l’absence du hirak pour se venger de Karim Tabbou. C’est immoral”, a fustigé Me Abdelghani Badi dans un coup de gueule. Des défenseurs des droits de l’Homme, algériens et étrangers, estiment inadmissible que des militants politiques soient placés en détention au moment où les États vident les prisons de leurs pensionnaires pour éviter la propagation du Covid-19 en milieu carcéral.

Avec un baril de pétrole frôlant les 20 dollars, une paralysie quasi totale de l’activité économique, le spectre d’une épidémie impossible à maîtriser eu égard au peu de moyens dont dispose le pays pour y faire face… l’État sera fatalement confronté, à brève échéance, à une crise sociale et économique profonde. Il aurait gagné à rallier à sa cause le peuple.

Souhila H.