Ce que dit ce vendredi des rues vides : la Silmiya s’enracine !
Nadjib Belhimer, RadioM, 20 mars 2020
Avec des rues vides, la Silmiya confirme son enracinement en tant que révolution dans la conscience advenue pour sauver le pays et les hommes. La suspension des manifestations, une décision des manifestants en premier et en dernier lieu, s’est transformée en une nouvelle réalisation. Elle s’ajoute aux acquis de la Silmiya en tant que choix stratégique conscient dans lequel s’insèrent les plus patients, les plus conscients et les plus créateurs dans le combat pour l’Etat de droit et des libertés.
Il y a une semaine le débat autour de la décision de suspendre les manifestations dominait chez les manifestants et les militants engagés dans la révolution pacifique, ceux-là même qui n’ont pas abandonné la rue depuis le 22 février 2019. Le débat était, en lui même, un signe que l’enracinement de la culture de la différence et du respect des avis différents est bien l’un des plus importants acquis de la Silmiya.
Le consensus n’était pas facile à obtenir en raison des craintes de voir s’éteindre la flamme de Silmiya; et aussi en raison de l’ambiguïté découlant des choix hésitants du pouvoir, lequel n’a pas pris des mesures pratiques à la hauteur de la gravité de la situation. Chose qui a poussé de nombreux Algériens à prendre les choses à la légère et à poursuivre leur train de vie routinier.
Dans le courant de la semaine, Abdelaziz Djerrad a déclaré que ceux qui voulaient sortir étaient libres de le faire mais qu’ils doivent prendre des mesures de précaution. Même le discours de Abdelmadjid Tebboune le 17 mars a été marqué par un ton rassurant dont le résumé est: “la situation est sous contrôle”.
Ce floutage de l’image de la réalité n’a pas empêché les enfants de la Silmiya d’ouvrir le débat en toute responsabilité sur le choix de suspendre les manifestations. De même, les attaques ciblées du gouvernement et de ses médias biaisés contre le Hirak dans une exploitation politicienne scandaleuse d’une crise sanitaire grave, n’ont pas empêché que le débat se concentre sur la protection de la société d’une menace imminente contre laquelle le système de santé ne peut faire sans une adhésion consciente de tous les Algériens.
Un travail sur le terrain
Dans la plupart de ces discussions, on ne faisait nullement de distinction entre les Algériens sur la base de leur position à l’égard du Hirak, du pouvoir ou des élections. Le sujet a été abordé comme une question de santé publique dans un contexte de crise mondiale sans précédent.
Si les premiers appels à suspendre les marches donnent à leur auteur le mérite le courage d’avoir pris les devants, c’est surtout le travail mené par les militants engagés dans la silmiya qui a transformé cet appel en action sur le terrain. On a pu l’observer à travers les débats qui se sont déroulés avant et en marge des marches du 56ème vendredi; et à travers le travail de sensibilisation mené par les étudiants, mardi dernier, lesquels avaient publié la veille des appels à la suspension des marches.
Ils ne se sont pas contentés de cela, ils sont descendus dans la rue pour convaincre les plus attachés à la poursuite des manifestations à renoncer à cette option irrationnelle. Nul ne peut nier l’impact de ces débats qui se sont poursuivis sur les réseaux sociaux dans le renversement de l’opinion en faveur de la suspension des marches et ils ont été pour beaucoup dans l’image des villes algériennes en ce vendredi sans manifestations.
L’absence de leadership n’est pas un handicap
Le vendredi des rues vides nous dit que la révolution pacifique a su par son génie dépasser la question de la représentation, et à faire que chaque membre a une opinion influente; les différences de points de vue au sujet de la suspension des manifestations ont, une fois de plus, réduit à néant les mensonges diffusés par le pouvoir et ses relais selon lesquels la Silmiya aurait été kidnappée par des partis ou des individus à l’intérieur et à l’extérieur.
Mieux, ces différences ont prouvé que l’absence d’un leadership n’était pas un handicap pour le dialogue, le libre débat et la réalisation d’un consensus. On peut ainsi imaginer tout ce que peuvent offrir les Algériens comme alternatives et solutions pour construire l’Algérie de l’avenir s’ils avaient la liberté pour laquelle s’est levée la silmiya et pour laquelle elle se poursuivra. La réponse a été donnée par les créations des jeunes qui ont mené une campagne de sensibilisation dépassant, de loin, ce qui a été fait les médias publics et privés réunis. Dans toutes les villes d’Algériens, des campagnes de volontariat ont été menées pour faire tout ce qui est possible pour participer à endiguer l’avancée de l’épidémie.
La crise du corona a mis la Silmiya face au pouvoir. Elle a montré que ce qui se passe en Algérie est un mouvement historique qui ne peut s’arrêter par le simple fait d’une suspension des manifestations. Cette décision a été un acquis réalisé de manière consciente par la Silmiya après que le pouvoir eut échoué à y parvenir par les menaces, la désinformation et la répressions.