Crise malienne : IBK confirme l’existence de contacts avec les groupes terroristes
A. Z., El Watan, 12 février 2020
Combattre les groupes terroristes et dialoguer avec eux n’est «pas antinomique», indique le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, en invoquant les cas de figure algérien et afghan.
Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), a confirmé lundi l’existence d’une démarche d’approche des groupes terroristes, la justifiant par la nécessité d’explorer les voies d’une sortie de crise après huit années de guerre sans issue rapide en vue. Le nombre des morts au Sahel «devient exponentiel et je crois qu’il est temps que certaines voies soient explorées», a déclaré M. Keïta, dans un entretien avec la chaîne France 24 et Radio France Internationale (RFI).
Il rompt ainsi avec le rejet jusqu’alors affirmé de tout dialogue avec les «terroristes», à commencer par le prédicateur radical peul Amadou Koufa, chef de la katiba Macina qui sévit depuis 2015 dans le centre, et Iyad Ag Ghali, chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al Qaîda. Fin janvier, le haut représentant du Président pour le centre du Mali, Dioncounda Traoré, avait déjà indiqué avoir «personnellement envoyé des émissaires en direction d’Amadou Koufa et Iyad ag Ghali». «Dioncounda Traoré est en mission pour moi» et «a le devoir d’écouter tout le monde», a dit le président Keïta.
Il s’agit de déterminer si certains dans l’entourage des chefs peuvent être «sensibles à un discours de raison», a-t-il ajouté. Le Mali est confronté depuis 2012 aux insurrections indépendantistes, terroristes et aux violences intercommunautaires qui ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés. La crise s’est propagée au Burkina Faso et au Niger voisins.
Plus de 450 civils ont été tués dans le centre du Mali en 2019, un record depuis le début d’une crise qui va s’aggravant, indique un rapport de l’ONG Human Rights Watch repris par l’AFP. C’est sans compter les soldats et les gendarmes abattus par dizaines. La situation sahélienne est «très préoccupante», a répété à ce propos le président malien. Combattre les groupes terroristes et dialoguer avec eux n’est «pas antinomique», a-t-il ajouté, en invoquant les cas de figure algérien et afghan.
Il a assuré procéder «sans aucune grande naïveté». Pour l’heure, il attend toujours les «frémissements» d’une réponse à la démarche, a-t-il dit. Le gouvernement et ses partenaires étrangers conviennent en outre que la riposte strictement militaire ne suffira pas à sortir le Mali de la spirale des violences, sans rétablir la souveraineté de l’Etat, ni mener une action politique.
Dans cette optique, l’armée malienne a entamé lundi son déploiement vers Kidal (nord) afin de reprendre le contrôle de cette ville symbole. Le retour de l’armée à Kidal, aujourd’hui sous le contrôle d’ex-rebelles touareg, est anticipé comme une affirmation forte d’un rétablissement de l’autorité de l’Etat, qui ne s’exerce plus sur de larges pans du territoire. Ce retour est censé préluder au déploiement d’autres unités du même type à Ménaka, Gao et Tombouctou.