Institution résiduelle du Bouteflikisme : Quel devenir pour le Parlement ?
Nouri Nesrouche, El Watan, 21 janvier 2020
A quoi sert l’Assemblée nationale populaire ? Voilà une question tombée dans les lieux communs du commentaire journalistique et des débats politiques durant les mandats de Bouteflika, mais qui revient ponctuellement quand l’actualité nécessite des réponses.
Et c’est le cas en cette conjoncture, que certains commentateurs ont baptisée acte I de la deuxième phase du hirak. Depuis le déclenchement du mouvement du 22 Février, les hirakistes se sont attaqués aux partis au pouvoir et aux institutions croupion associées à Bouteflika et au projet du 5e mandat.
On savait l’Assemblée de Bouhedja, Bouchareb, Chenine… et la majorité FLN/RND, capable de toutes les trahisons, et elle a bien fait le sale boulot jusqu’à la dernière minute avant l’élection du 12 décembre, en votant la loi sur les hydrocarbures, la loi des finances et autres textes rejetés par le hirak, et de surcroît présentés par un gouvernement illégitime, censé se limiter à gérer les affaires courantes.
Mais techniquement, nous sommes dans une nouvelle situation induite par l’élection de Abdelmadjid Tebboune à la tête de l’Etat, et les promesses renouvelées par ce dernier de répondre à l’exigence de changement radical pour une nouvelle République. Et c’est là où l’existence même de ce Parlement devient un anachronisme, y compris pour les partisans du respect de la Constitution.
Un obstacle est tombé justement depuis le 12/12 et le chef de l’Etat a toute la latitude de dissoudre l’APN, cette institution résiduelle du bouteflikisme, éclaboussée d’ailleurs par des scandales en cascade de députés privés de leur immunité parlementaire et jetés en prison pour différents crimes.
Pour les observateurs comme pour le citoyen lambda, cette Assemblée ressemble plus aux écuries d’Augias, et ce ne sont pas les quelques inculpations qui blanchiront le bâtiment du boulevard Zighout Youcef.
Si demain la justice décide d’enquêter sur l’administration Bedoui (notamment du temps où il était ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales) et que les langues se délient, le business des places parlementaires révélera des réseaux denses impliquant des partis politiques, des hommes d’affaires et des commis de l’Etat, notamment des secrétaires généraux de wilaya et des walis, dont beaucoup sont toujours en exercice.
Un processus constituant avec cette APN ?
En admettant l’aboutissement du plan Tebboune, en ce qui concerne la révision de la Constitution, et qui prévoit, après le «toilettage» des experts de la commission Laraba, de soumettre la mouture au Parlement, il faut s’attendre d’ores et déjà à une impasse à cause de l’association de l’APN honnie à une démarche censée constituer l’un des fondements de la nouvelle République.
Déjà que le hirak, tout comme certaines forces politiques, à l’image du PAD, tient toujours à un processus constituant et rejette la reproduction du texte fondateur par les méthodes du pouvoir. Les Algériens détestent jusqu’à l’idée de continuer à payer des salaires à ces députés, mal élus. On a du mal à imaginer la rupture revendiquée depuis dix mois par les Algériens s’accommoder du plan Tebboune.
D’ailleurs, ce dernier, interpellé par plusieurs voix pour donner des gages de sa bonne volonté et prendre des initiatives significatives à même de lui permettre de créer un large consensus national pour gouverner, fera une erreur fatale de casting s’il persiste à vouloir impliquer les parlementaires.
Idem pour le Conseil de la nation, cette chambre d’enregistrement inféodée 20 ans durant à Bouteflika. Le hirak revendique la dissolution pure et simple de ces deux Chambres, symboles du bouteflikisme, et le nouveau chef de l’Etat a beaucoup à perdre s’il s’y frotte.