A. Z., El Watan, 23 décembre 2019
L’abandon du franc CFA et la relation nouvelle entre l’Afrique et la France pourraient, selon le président français Emmanuel Macron, changer l’image de la France . «Trop souvent, aujourd’hui, la France est perçue comme ayant un regard d’hégémonie et des oripeaux d’un colonialisme qui a été une erreur profonde, une faute de la République», a-t-il déclaré.
Le président, Emmanuel Macron, dont le pays commence à être très concurrencé sur le continent africain, emploie une partie de son énergie à y changer l’image de la France à laquelle la jeunesse africaine reproche de continuer à développer des approches coloniales. Dans sa démarche, il n’hésite pas à condamner autant le colonialisme que la Françafrique.
Emmanuel Macron s’est ainsi posé samedi à Abidjan en défenseur d’une relation «décomplexée» de la France avec l’Afrique. Pour joindre l’acte à la parole, il a annoncé la fin prochaine du franc CFA, monnaie qui constitue justement l’un des derniers vestiges de la «Françafrique». Le franc CFA sera remplacé en 2020 par l’«éco».
Créé en 1945, le «franc des colonies françaises d’Afrique» est devenu le «franc de la Communauté financière africaine» après les indépendances des années 1960.
Mais le franc CFA était «perçu comme l’un des vestiges de la Françafrique», a reconnu Emmanuel Macron, en indiquant avoir «entendu» les critiques ayant enflé, ces dernières années, au sujet de cette monnaie. Dans la foulée, il a appelé à «bâtir une nouvelle page» après le «colonialisme» qui fut «une faute de la République».
«Vestige de la Françafrique»
Le chef de l’Etat français a acté cette «réforme historique majeure» avec son homologue ivoirien, Alassane Ouattara, qui a détaillé l’accord conclu entre les huit pays francophones de l’Afrique de l’Ouest qu’il représentait (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo), et la France.
Alassane Ouattara a indiqué que la réforme comprenait, outre le changement de nom, «l’arrêt de la centralisation de 50% des réserves» des pays concernés au Trésor français et le retrait de la France des «instances de gouvernance dans lesquelles elle était présente».
Cette obligation était perçue comme une dépendance humiliante vis-à-vis de la France par les détracteurs du FCFA. Comme pour le franc CFA, l’éco restera lui aussi arrimé à l’euro. Emmanuel Macron a dit «assumer» la nouvelle situation que ces changements créaient pour la France en Afrique de l’Ouest, son ancien pré carré, avec laquelle Paris doit «bâtir une relation nouvelle, à la fois passionnée et décomplexée».
Le président français a, selon l’AFP, repris les principaux axes du discours «fondateur» sur les relations franco-africaines qu’il avait prononcé à Ouagadougou quelques mois après son élection en 2017. L’abandon du FCFA et cette relation nouvelle pourraient, selon lui, changer l’image de la France.
«Trop souvent, aujourd’hui, la France est perçue comme ayant un regard d’hégémonie et des oripeaux d’un colonialisme qui a été une erreur profonde, une faute de la République», a-t-il déclaré. En 2017, à Alger, alors candidat à la présidence, M. Macron avait créé une polémique en qualifiant la colonisation de «crime contre l’humanité». Devant la pression d’une partie de l’opinion française, il avait alors rétropédalé.
«Perception d’ingérence»
La fin du franc CFA va-t-elle maintenant changer le quotidien des Ouest-Africains ? Abdourahmane Sarr, économiste sénégalais, président du Centre de financement du développement économique local (Cefdel), explique au micro de RFI que «c’est une étape dans la bonne direction, parce que cela clarifie le débat.
Les Français ne sont plus dans les organes de gouvernance. Nous choisissons une parité fixe arrimée sur l’euro, et demandons spécifiquement à la France de garantir cette parité». Pour lui, la fin du FCFA est d’abord un moyen de dépassionner le débat autour de la monnaie unique arrimée à l’euro. «La discussion maintenant va changer.
Ce sera : est-ce que cet arrimage et cette garantie sont quelque chose de bien ou pas pour l’économie ? A ce moment-là, les économistes pourront débattre sans que le débat ne soit pollué par des questions qui dans le fond ne sont pas très importantes», analyse-t-il.
L’économiste sénégalais affirme que la fin du franc CFA ne va rien changer au quotidien «à part le fait que la perception d’ingérence de représentants de la France dans les organes de gouvernance ne sera plus là. Mais dans le fond, rien n’a changé».