Les communistes et l’Algérie: des origines à la guerre d’indépendance, 1920 – 1962
de Alain Ruscio
Editions la découverte – février 2019
Note de lecture de Yves Dutier, 10 novembre 2019
Même si aujourd’hui l’influence des communistes dans la sphère politique est devenue totalement marginale, il est utile de rappeler que pendant la période concernée par cet ouvrage (1920 – 1962) les communistes ont occupé une place incontournable dans l’organisation des luttes sociales et politiques. En s’appuyant sur des archives aujourd’hui accessibles (celles du PCF) et sur de nombreux témoignages et entretiens, Alain Ruscio analyse et restitue avec précision quarante années de la vie du PCF dans sa relation avec les colonies françaises et avec l’Algérie en particulier.
Depuis la création du parti en 1920 et son affirmation internationaliste et anticolonialiste jusqu’aux ‘pleins pouvoirs’ accordés au gouvernement de Guy Mollet en 1956, l’auteur analyse méticuleusement toutes les hésitations, les contradictions, les errements et revirements, les compromissions qui ont traversé le parti. La guerre d’indépendance de l’Algérie occupe bien évidemment la place centrale du livre car c’est bien sur la question de l’indépendance des colonies que les principes et les idéaux fondateurs du PCF sont battus en brèche. L’auteur consacre de longs développements aux relations entre le PCF et le mouvement national algérien et avec le PCA, révélant des documents peu, voire inconnus. Le lecteur apprend par exemple avec effarement qu’au lendemain des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, la première réaction du parti fut » c’est une provocation ! » Mais , en historien – documents à l’appui – Alain Ruscio démontre que l’ordre de bombardement de Sétif et Guelma ne fut pas donné par Charles Tillon (alors ministre communiste de l’armée de l’air) contrairement à ce qu’ont affirmé pendant des années les politiciens pro ‘Algérie française’. En dépit des errements du PCF, l’auteur décrit par le détail toutes les actions – individuelles ou de masses – organisées par le parti pour la « Paix en Algérie ». Mais ‘Paix en Algérie’ ne signifiant pas pour autant Indépendance !
La cellule du PCF de la Sorbonne, sous la plume du grand historien Jean-Pierre Vernant, écrivait en 1948 :
« L’erreur du parti dans la question coloniale est d’avoir continué à penser; après la Seconde Guerre mondiale, que c’était la classe ouvrière française, guidée par le parti, qui devait, au terme de la lutte pour le socialisme, apporter aux peuples coloniaux le présent de l’Indépendance. Tout au contraire, cette indépendance a été et sera conquise contre la bourgeoisie française au pouvoir par les peuples coloniaux en lutte, qui apportent ainsi une aide fondamentale au combat de la classe ouvrière de la métropole. »
Cet exemple cité dans le livre parmi beaucoup d’autres nous montre bien que la question coloniale fut – et demeure – une question centrale, une ligne de démarcation fondamentale entre défenseurs de ‘la mission civilisatrice’ de la puissance coloniale et partisans d’une indépendance émancipatrice des peuples colonisés.
Par ailleurs, en nous plongeant dans les méandres du PCF face à la question coloniale, l’auteur nous rappelle le rôle que joua le personnel politique de la IVème République en particulier celui de la SFIO (Les Guy Mollet, François Mitterrand, Gaston Defferre etc…) tous fervents défenseurs de l’Algérie française et dont les héritiers occupent toujours une place de choix dans la vie politique française actuelle.
Les communistes et l’Algérie : Un livre passionnant, très bien documenté qui éclaire sur ce que fut la politique du PCF sur la question coloniale et de l’Algérie en particulier, et qui aide à mieux cerner ses prolongements actuels sous d’autres formes.