Il a été remis hier par le Panel à Bensalah : Un rapport en deçà de la crise
Madjid Makedhi, El Watan, 09 septembre 2019
Le panel de dialogue et de médiation, conduit par Karim Younès, a achevé son travail. Il a remis, hier, son rapport final au chef de l’Etat intérimaire, Abdelkader Bensalah.
Ce document qui, selon le coordinateur de cette instance, est une synthèse des propositions faites par les participants aux différents rounds de dialogue et plateformes soumises par d’autres forces politiques ayant décliné son invitation, propose un série de mesures à prendre en vue d’aller vers une présidentielle dans les meilleurs délais.
Parmi ces mesures, le panel insiste sur l’organisation d’une joute présidentielle «dans le strict respect du cadre constitutionnel». Pour cela, il invite les autorités à mettre en place un climat politique apaisé. Selon le document, présenté lors d’une conférence de presse, la préparation de l’élection présidentielle suppose surtout la mise en œuvre des mesures d’apaisement, dont le départ du gouvernement Bedoui, la libération des détenus du hirak, l’ouverture des champs politique et médiatique. Outre ces mesures, le rapport fait une proposition de projet de loi pour la création d’une instance indépendante d’organisation des élections et un projet d’amendement de la loi électorale.
Le pouvoir acceptera-t-il ces recommandations ? Les membres du panel se disent confiants et «n’imaginent pas que l’Etat refuserait ces propositions qui visent à sortir le pays de la crise». «Nous sommes optimistes quant à l’application des propositions contenues dans ce rapport», affirment-ils.
Selon Karim Younès et ses compagnons, le chef de l’Etat a, au moins, montré la volonté de répondre favorablement aux exigences contenues dans ce rapport de 200 pages.
Conférence nationale : «une zerda politique»
En présentant le contenu de leur rapport, les membres du panel défendent leur démarche, contestée depuis le début par le mouvement populaire.
Selon eux, les consultations ont concerné un nombre important de partis, d’organisations et de personnalités. Ils refusent d’admettre, dans ce sens, que les individus et les organisations consultés ne représentent pas le mouvement populaire, dont les exigences ne figurent, qu’en partie, dans ce document. «Nous avons rencontré 23 partis et 5676 organisations et personnalités. Tout le monde était d’accord pour aller vers une élection présidentielle. Nous n’avons fait que reprendre leurs propositions dans ce rapport qui émet des propositions sur la création de l’instance indépendante d’organisation des élections et la révision de la loi électorale, en suggérant 120 amendements», se défendent-ils.
Les membres du panel se sont même montrés irrités par les questions des journalistes concernant le rejet de l’élection présidentielle par la rue algérienne, en présence des symboles du régime Bouteflika, dont l’actuel chef de l’Etat, le Premier ministre et même l’Assemblée populaire nationale (APN) actuelle qui sera appelée à adopter les projets de loi proposés.
Ce n’est pas l’avis de l’équipe conduite par Karim Younès. Selon elle, «les Algériens veulent aller rapidement aux élections». «Il n’y a que des militants qui refusent. La majorité des citoyens que nous rencontrons affirment qu’il faut aller vers une élection présidentielle», déclare Karim Younès.
Dans la foulée, le panel justifie aussi le fait d’avoir fait l’impasse sur la conférence nationale, annoncée au début de sa mission. «Nous avons rencontré tous les participants, parfois à plusieurs reprises. De ce fait, cette conférence n’aurait été qu’une zerda politique», soutient Karim Younès.
Problématique constitutionnelle
En réponse à une question concernant le temps nécessaire pour la mise en œuvre de toutes les propositions, notamment la création de l’Instance d’organisation des élections et la révision de la loi électorale, les membres du panel estiment que ce travail pourrait être prêt avant la présidentielle. C’est-à-dire dans les délais fixés par le chef d’état-major de l’ANP, Ahmed Gaïd Salah.
Interrogée sur la légalité d’une instance indépendante de gestion des élections, d’autant que la Constitution actuelle ne la prévoit pas, la constitutionnaliste Fatiha Benabou explique : «La souveraineté populaire prime sur la volonté constitutionnelle. Aujourd’hui, celui qui détient le pouvoir constituant est le peuple, qui exige la mise en place de cette instance indépendante.
Il faut donc se soumettre à sa volonté.» Et de rappeler que cette instance doit être dotée de toutes les prérogatives de gestion du processus électoral, en remplacement de l’administration qui sera mise «en chômage technique».
Outre les décisions devant être prises avant la présidentielle, le panel propose aussi d’autres mesures à appliquer après le scrutin. Ce dernier, selon le rapport, sera le début d’«une période de transition constitutionnelle, en vue d’entamer les réformes nécessaires pour redonner de la légitimité à l’ensemble des institutions».
Nouvelle mission pour Karim Younès
Le coordinateur de l’Instance de dialogue et de médiation, Karim Younès, ne rentrera pas chez lui de sitôt. Si la mission du panel qu’il a conduite ces deux derniers mois arrive à son terme, il hérite cependant d’une nouvelle tâche : il est chargé de former la future instance d’organisation des élections. En effet, aussitôt après avoir reçu le rapport de l’instance, le chef de l’Etat intérimaire, Abdelkader Bensalah, a invité l’ancien président de l’APN, selon un communiqué de la Présidence, «à poursuivre ses efforts et à mener les consultations nécessaires pour former et installer une autorité indépendante chargée des élections». Karim Younès ne s’est pas encore exprimé sur cette nouvelle mission, mais il semble l’avoir déjà acceptée.