Le patron d’Eni dans le collimateur de la justice italienne : Soupçon de pots-de-vin à des responsables algériens

Le patron d’Eni dans le collimateur de la justice italienne : Soupçon de pots-de-vin à des responsables algériens

par Salem Ferdi, Le Quotidien d’Oran, 9 février 3013

L’affaire de pots-de-vin présumés versés par la société italienne Saipem pour obtenir des contrats en Algérie a connu, jeudi, un grand rebondissement avec l’ouverture d’une enquête contre le DG du géant énergétique italien Eni, Paolo Scaroni. Le nom de Farid Bedjaoui, neveu de l’ancien ministre, revient avec insistance. Il est l’interface de ces présumés versements de pots-de-vin. La direction du grand groupe italien est ainsi rattrapée par une affaire qui concernait, en apparence, que sa filiale, la Saipem. Le domicile de Paolo Scaroni ainsi que le siège de l’entreprise ont fait l’objet d’une perquisition. La direction d’Eni a martelé sa ligne de défense en indiquant « prendre acte» sur le fait que l’enquête du « Parquet de Milan sur les activités de Saipem en Algérie ont été étendues à Eni et à son directeur général».»Eni et son directeur général se déclarent totalement étrangers à l’objet de l’enquête», a indiqué Eni. Mais les médias italiens qui accordent une grande importante à une affaire touchant une entreprise de premier plan indiquent que Scaroni est soupçonné d’avoir participé à « au moins» une rencontre à Paris pour faire obtenir à Eni et Saipem un marché de 11 milliards de dollars pour lequel une commission occulte de 197 millions d’euros aurait été versée, par le biais d’un intermédiaire, Farid Noureddine Bedjaoui, à de hauts responsables algériens. On serait ainsi dans un scénario des plus « classiques». Pour obtenir les travaux du projet Medgaz et du projet Mle (Menzel Ledjmet Est) en association avec Sonatrach, les deux entreprises italiennes auront versé à une société de Hong Kong, la Pearl Partners Limited, appartenant à l’intermédiaire Farid Noureddine Bedjaoui, les 197 millions d’euros en question. Et si, hormis l’intermédiaire, les noms algériens liés à cette affaire n’apparaissent pas, on connaît au moins le nom de huit personnalités italiennes à qui la justice italienne demande des comptes. Et ce n’est pas du menu fretin, mais de dirigeants de premiers plans d’Eni et de sa filiale Saipem : Scaroni, Varone, Tali, Bernini, Tullio Orsi, Antonio Vella et Nerio Capanna. L’intermédiaire algérien Farid Bedjaoui, qui a également la nationalité française, est lui aussi sous enquête. Il est soupçonné d’avoir collecté les pots-de-vin et les commissions illégales. La presse italienne donne un chiffre très précis de 197.934.798 euros qui ont « voyagé» via des comptes en Suisse, aux Emirats et à Dubaï. Des documents découverts lors de la perquisition au siège d’Eni et de son administrateur Scaroni attestent de ces mouvements de fonds en faveur d’une société basée à Hong Kong. Il n’y a pas que la Saipem qui serait impliquée, d’autres filiales d’Eni sont concernées comme First Calgary Petroleum, Snam Progetti, Saipem Portugal et Saipem Sa.

LE «JEUNE» ET LE «VIEUX»

L’affaire a déjà fait des vagues au sein du management d’Eni puisque le vice-président et DG Pietro Franco Tali et le directeur financier Alessandro Bernini ont démissionné. L’entreprise a décidé aussi de suspendre le directeur de l’Ingénierie et Construction, Pietro Varone. Cela n’a pas empêché la brigade financière italienne de cibler plus haut en perquisitionnant les bureaux de Scaroni à Rome, à San Donato Milanese et sa demeure milanaise Viale Majno. Scaroni est à présent inculpé et les deux societés Eni et Saipem seraient également mises en cause au titre de la loi 231 sur la responsabilité administrative des entreprises vis-à-vis de leurs personnels. Selon les documents saisis, des relations d’affaires existaient entre Bedjaoui et l’ancienne épouse du patron d’Eni Varone. Bedjaoui apparaît, au vu des révélations, comme l’interface avec les responsables algériennes. Neveu de Mohamed Bedjaoui, ex-ministre (Justice, AE), il aurait été en lien avec Chakib Khelil. Il est présenté comme un « ami nécessaire» pour faire du business en Algérie. Des sources bancaires ont indiqué à Maghreb Emergent que ces nouveaux développements sont le fait d’une «gorge profonde» au niveau de la direction de l’Eni. Cet informateur a mis les policiers italiens sur la piste de Bedjaoui qui aurait des liens familiaux avec l’ancien ministre de l’Energie Chakib Khelil. Dans les messages codés échangés entre dirigeants de l’Eni, les deux Algériens étaient désignés sous les pseudonymes du «vieux» et du «jeune».