Sa «neutralité» de plus en plus sujette à caution : La démarche douteuse du panel

M. S., El Watan, 18 août 2019

On savait la mission du panel de dialogue compliquée. Elle est en phase de devenir impossible. Le rejet populaire et de l’idée même du «dialogue» avec le pouvoir – avec en point de mire la tenue des élections –, et de la composante de l’instance n’a jusqu’ici, certes, pas dissuadé Karim Younès de mettre en œuvre son plan.

Hier devait avoir lieu l’installation d’un «comité de sages» chargé de s’atteler à nouer le contact avec les acteurs politiques, les animateurs de la société civile et des activistes du hirak. Un comité dont l’idée avait, par ailleurs, été contestée bien avant sa mise à exécution. La cérémonie a été l’occasion d’une autre démonstration de rejet de toute l’action du panel et de son existence même.

Des étudiants ont, en effet, fait irruption dans la salle du centre culturel Larbi Ben M’hidi pour dire tout le bien qu’ils pensent de l’instance de Karim Younès et tout le mal que cette dernière fait à la cause du hirak. Les invités surprise de la rencontre ont ainsi rappelé que nul ne peut se prévaloir de représenter le mouvement populaire ni d’engager des démarches en son nom. Le président du panel a, en l’occurrence, eu tout le mal du monde à contrer les arguments d’un jeune étudiant qui soulignait l’aberration d’engager un dialogue avec un gouvernement et un pouvoir politique dont la rue exige le départ depuis près de six mois. Les images des échanges tendus ont bien entendu fait le tour de la Toile et assènent un autre coup dur politique au panel déjà mal parti dès le début, et cristallisant aujourd’hui le rejet et la colère populaires tout autant que pour les deux B honnis.

Médiation sans neutralité

N’ayant recueilli aucun soutien qui compte en la conjoncture et alignant plutôt les défections et les refus polis de s’y joindre, le panel du dialogue semble désormais jouer ses dernières cartes, et celle-ci n’ont pas l’air d’être de celles qui sauveront la mise. Son action jusqu’à l’heure s’est limitée à constituer des commissions et des comités, dont les castings ne s’élèvent pas à la hauteur des ambitions déclarées.

Les noms annoncés hier pour composer le «comité des sages» ne dérogent pas aux profils qui caractérisent les précédentes recrues du panel. D’anciens ministres, que le commun des Algériens aura oubliés, des cadres d’organisations professionnelles, des syndicalistes… qui ont globalement en partage qu’ils n’ont pas brillé par une quelconque participation active au hirak depuis le 22 février et qui n’ont pas de quoi incarner cette exigence de renouveau que la rue ne cesse de réaffirmer tous les mardis et vendredis.

Ainsi, le panel pour la médiation et le dialogue prend de plus en plus l’allure d’une instance institutionnelle qui ne peut pas sérieusement défendre ce positionnement à équidistance des protagonistes, préalable minimal de toute démarche de médiation. De plus, son action résolument orientée vers la société, puisqu’elle ambitionne de trouver des compromis entre les plateformes et autres initiatives politiques nées dans le sillage du hirak, feint d’omettre que les leviers de la décision sont entre les mains du pouvoir, qui lui ne voit d’autre sujet de discussions que les modalités de la tenue des élections.

C’est exactement la substance de ce qu’a voulu signifier l’incursion bruyante des étudiants à la docte cérémonie des membres du panel hier : que la maldonne est trop criante pour que la démarche puisse avoir une chance d’accrocher le mouvement populaire et d’être un tant soit peu à la hauteur de ses exigences, même si le dialogue reste la plus grande des vertus.

Il faut croire également que l’action du panel, voire son existence n’ont pas non plus les faveurs des décideurs du moment. Le niet opposé à toute mesure d’apaisement qui aurait pu baliser le terrain pour un quelconque dialogue, reste de mise. En sus de garder en détention des militants sans jugement depuis des mois, l’hostilité est affichée à l’égard de toute initiative politique qui ne s’inscrit pas dans la trajectoire voulue au sommet. Hier, une réunion des animateurs de la société civile n’a pas pu se tenir à Alger, faute d’autorisation.

 


 

«Non au départ de Bensallah, l’élection présidentielle est la solution…»

Pour ceux qui en doutaient encore, l’instance drivée par l’ancien président du Parlement, Karim Younès, a réaffirmé hier son attachement à la tenue de l’élection présidentielle comme unique solution efficiente à la crise, trouvant par ailleurs la revendication du départ de Bensalah comme irréaliste et attentant à l’ordre constitutionnel. Ces déclarations faites en marge de la rencontre ayant vu l’installation d’un conseil consultatif, ou «comité des sages», balisent clairement les marges de manœuvre que s’attribue le panel de dialogue et le champ de discussions qui sera ouvert à ses éventuels interlocuteurs. Elles contredisent, par ailleurs, l’affirmation, réitérée par plusieurs fois par Karim Younès, selon laquelle «l’instance ne détient aucune plateforme préétablie» concernant les voies et moyens de faire aboutir la revendication de changement radical portée par les Algériens.