La double peine des migrants en Méditerranée
Rejetés par l’Europe et menacés en Libye
Karim Benamar, Liberté, 28 juillet 2019
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a rappelé, hier, que les gouvernements européens doivent rétablir les opérations de secours en mer Méditerranée.
Au moins 62 corps de migrants, parmi les 150 portés disparus depuis jeudi, ont été repêchés dans la nuit de vendredi à hier par les secours libyens, après le naufrage la veille de leur embarcation au large de Khoms, ville située à 120 km à l’ouest de Tripoli.
“Des unités dépendant du Croissant-Rouge libyen sont parvenues à repêcher 62 corps de migrants”, a dit à l’AFP Abdel Moneim Abou Sbeih, un responsable de cette organisation. Ces chiffres demeurent cependant provisoires et le bilan est appelé à être revu à la hausse. “Nous allons poursuivre les opérations pour récupérer les corps rejetés par la mer cette nuit et demain”, a ajouté M. Sbeih. “À ce stade, il n’est pas possible de donner un chiffre total du nombre des victimes”, a-t-il encore indiqué. Les autorités locales de Khoms sont confrontées à des difficultés pour enterrer les corps récupérés, a déclaré une source dans la municipalité de cette ville, évoquant “des problèmes pour les procédures juridiques et pour trouver un endroit pour l’enterrement”. Avant ce dernier naufrage, 669 décès avaient déjà été recensés en Méditerranée depuis le début de l’année et la tragédie n’est pas près de connaître son épilogue. Devant cette situation dramatique, les gouvernements de certains pays européens continuent de briller par leur inertie, se renvoyant la balle dès qu’il s’agit de mettre les moyens nécessaires pour faire face à une crise qui ne cesse de prendre de l’ampleur. L’ONU a sévèrement critiqué les politiques européennes en faveur du retour en Libye des migrants secourus en mer, affirmant que la Libye n’est pas sûre pour eux. Le secrétaire général de l’ONU a affirmé à plusieurs reprises que “la Libye n’est pas un pays d’asile sûr et que les réfugiés doivent être traités avec dignité et respect et conformément au droit international”. Un avis partagé par le HCR qui estime qu’“aucune personne secourue en Méditerranée ne devrait être renvoyée en Libye”. Quand on sait par ailleurs la crise sécuritaire qui s’est amplifiée ces dernières semaines en Libye, le renvoi des migrants dans ce pays par les États européens est irresponsable. Les centres de détention en Libye ont beaucoup fait parler d’eux ces dernières semaines, notamment après l’attaque qui a ciblé, mardi 2 juillet, un centre de réfugiés africains à Tajourah, dans la banlieue de la capitale Tripoli et causant la mort de 60 migrants. Le 14 juillet dernier, l’ONU avait tout simplement exigé la fermeture des centres de détention des migrants en Libye, estimant que ces derniers ne répondent pas aux critères requis pour accueillir des migrants, ceci quand les gouvernements européens ne renoncent pas tout bonnement aux opérations de secours en mer Méditerranée. Pour rappel, l’épisode de l’ONG “Sea-Watch”, en juin dernier, avait provoqué l’émoi à travers le monde entier. Frappé d’interdiction de pénétrer dans les eaux italiennes, le navire Sea-Watch 3, transportant une quarantaine de migrants, avait bravé l’interdiction de Matteo Salvini et avait accosté à Lampedusa de force pour débarquer les 42 migrants. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a rappelé hier que les gouvernements européens doivent rétablir les opérations de secours en mer Méditerranée. “Leurs efforts ne doivent être ni stigmatisés ni interdits”, a déclaré Charlie Yaxley, porte-parole du HCR.
Karim Benamar