Echec de la conférence du 6 juillet
Les détenus d’opinion et les islamistes, pierre d’achoppement
Liberté, 24 juillet 2019
Même si la réunion a produit une “plateforme”, il n’en reste pas moins que ses organisateurs ne sont pas parvenus à lui donner un prolongement.
Le 6 juillet dernier, une partie de la classe politique qui se revendique de l’opposition s’est réunie en congrès à l’École supérieure de tourisme d’Aïn Benian, à l’ouest d’Alger. La rencontre, présentée comme une porte de salut pour la crise que vit le pays depuis le mois de février, s’est terminée en queue de poisson, malgré la publication d’une “plateforme”. Alors que les médias officiels et une partie des chaînes de télévision qui se sont ralliés au nouveau pouvoir ont déployé d’énormes moyens pour faire la promotion de l’événement, des parties qui ont largement contribué à l’organisation de la conférence ont fait un vrai travail de sape. Chargé de concevoir la liste des invités pour la conférence, le parti El-Adala de Djaballah a “réussi” à inonder la salle d’associations islamistes. “Alors que nous étions en possession d’une liste de 10 partis politiques et d’une vingtaine d’associations plus ou moins représentatives, nous nous sommes retrouvés avec plus de 80 associations, en majorité proches des partis El-Adala et d’El-Bina”, témoigne un des organisateurs, visiblement agacé par le nombre d’interventions d’associations appartenant toutes au courant islamiste.
L’influence négative des partisans de Djaballah ne se limite pas à inonder la salle d’associations proches des islamistes. Les dirigeants du FJD ont réussi à obtenir l’annulation d’une déclaration politique qui devait sanctionner les travaux. La résolution, pourtant lue à la fin de la rencontre par Mohand-Arezki Ferrad, a tout simplement été mise au placard. “Lakhdar Benkhellaf est venu directement menacer les organisateurs leur demandant d’annuler ce document sous peine de crier au scandale”, raconte un témoin. Pourquoi ? “Djaballah et son groupe ne voulaient surtout pas que la revendication portant sur la libération des détenus d’opinion figure sur un document”, explique un autre participant. Selon lui, il ne fallait “surtout pas évoquer ce sujet de manière explicite”. C’est d’ailleurs ce qui explique les attaques de Benkhellaf contre Abdelaziz Rahabi, coordinateur de la conférence, juste après la fin de la réunion. “Nous avons découvert une déclaration chez des journalistes. C’est un faux. Aucun document, en dehors de la plateforme, n’est valable”, avait-il dit. Selon un chef de parti présent, seuls trois responsables politiques ont abordé, de manière explicite, la question des détenus d’opinion comme un préalable à tout début de discussion avec le pouvoir. Il s’agit de Soufiane Djilali, Noureddine Bahbouh, Mohand-Arezki Ferrad et Nacer Djabi. Même Abdallah Djaballah a évoqué le sujet. Mais “il ne voulait pas que cela figure sur un document”, indique une source qui a discuté avec le leader islamiste. En tout cas, si la conférence du 6 juillet a produit une “plateforme”, ses organisateurs ne sont pas parvenus à lui donner un prolongement. Ils se sont dispersés et, malgré les efforts que fournit Abdelaziz Rahabi pour organiser une nouvelle rencontre, les chances de voir cette partie de l’opposition construire une alternative sérieuse restent minimes.
Ali Boukhlef