Crise libyenne : Carnage dans la banlieue de Tripoli
Zine Cherfaoui, El Watan, 04 juillet 2019
Nouveau massacre en Libye, pays en proie à une guerre civile depuis plusieurs mois. Au moins 44 migrants ont été tués, mardi soir, dans une frappe aérienne contre le centre de détention de migrants de Tajoura, situé à proximité d’un camp militaire en banlieue est de Tripoli.
Le raid meurtrier a été condamné par l’ensemble de la communauté internationale. Le gouvernement d’union nationale (GNA), basé à Tripoli et reconnu par la communauté internationale, a dénoncé dans un communiqué «un crime odieux». Il a attribué l’attaque au «criminel de guerre, Khalifa Haftar», chef de l’autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL) qui a lancé une offensive début avril pour s’emparer de la capitale libyenne.
Le GNA a accusé les forces pro-Haftar d’avoir mené une attaque «préméditée» et «précise» contre le centre de migrants. L’Armée nationale libyenne (ANL) de Khalifa Haftar a nié de son côté avoir touché le centre de détention de migrants lors du raid aérien, affirmant que des milices alliées à Tripoli l’avaient bombardé après une frappe de précision menée par l’ANL contre un camp militaire. La banlieue de Tajoura, qui compte plusieurs sites militaires appartenant aux groupes armés pro-GNA, est régulièrement la cible de raids aériens des forces du maréchal Khalifa Haftar.
Ces dernières ont promis, cette semaine, d’intensifier les frappes aériennes contre leurs rivales du GNA, après avoir perdu Gharyan, ville située à une centaine de kilomètres de Tripoli dont le maréchal avait fait son centre opérationnel dans son offensive contre la capitale, à plus de 1000 km de son bastion de Benghazi.
Crime de guerre
Au moins 130 personnes ont été également blessées dans l’attaque, selon un bilan communiqué par la mission de l’ONU en Libye. «Le bilan pourrait s’aggraver», a indiqué à la presse un porte-parole des services de secours, Osama Ali.
C’est la seconde fois que ce centre pour migrants de Tajoura, où vivent plus de 600 personnes, est touché depuis le début de l’offensive menée contre Tripoli par les unités de l’ANL. L’émissaire de l’ONU en Libye, Ghassan Salamé, a vivement condamné hier le raid aérien meurtrier, affirmant que ce «carnage» est susceptible de constituer un «crime de guerre». «Cet attentat pourrait clairement constituer un crime de guerre, frappant des innocents (…) contraints d’échouer dans cet abri par des conditions de vie épouvantables», a dénoncé M. Salamé.
L’émissaire onusien a appelé la communauté internationale «à condamner ce crime et à imposer les sanctions appropriées à ceux qui ont mené cette opération en violation flagrante du droit international humanitaire». «Ce carnage ignoble et sanglant est une conséquence des plus horribles et tragiques de l’absurdité de cette guerre», a encore souligné M. Salamé. La mission d’appui de l’ONU en Libye (Manul) a maintes fois exprimé son inquiétude sur le sort d’environ 3500 migrants et réfugiés «en danger dans des centres de détention situés près de zones d’affrontements».
L’Union africaine, l’Union européenne mais aussi Paris et Rome ont condamné «fermement» une «horrible attaque» et ce sont associées à l’appel de l’ONU pour l’ouverture d’une enquête. Ankara, qui soutient militairement le GNA, a qualifié l’attaque de «crime contre l’humanité». Sur Twitter, le chef du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR), Filippo Grandi, a posté «trois messages clés : les migrants et réfugiés ne doivent ‘pas’ être en détention, les civils ne doivent ‘pas’ être des cibles, la Libye n’est ‘pas’ un lieu sûr pour un renvoi» des migrants.
A l’initiative du Pérou, président en exercice du Conseil de sécurité pour le mois de juillet, le Conseil de sécurité de l’ONU devait se réunir hier à huis clos en urgence pour tenter de mettre fin au bain de sang en Libye. Depuis le lancement, début avril, d’une offensive du maréchal Khalifa Haftar pour s’emparer de Tripoli, le Conseil de sécurité reste en panne d’accord sur une résolution réclamant un cessez-le-feu. Aussi, les observateurs n’attendaient pas grand-chose de cette réunion. Les divergences de la communauté internationale à faire taire les armes en Libye ont été plusieurs fois critiquées dans le passé par Ghassan Salamé. Depuis le renversement de Mouammar El Gueddafi, le monde a en effet abandonné les Libyens à leur propre sort.