Le régime rejette la transition: Vers une présidentielle forcée ?

Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 9 juin 2019

Entre un refus hostile à une période de transition et un appel à l’urgence d’une élection présidentielle, le régime s’enferme dans une vision unilatérale de sortie de crise.

En effet, moins de vingt-quatre heures du discours de Bensalah à la nation dans lequel il affirmait son maintien au poste de président de la République tout en appelant à un dialogue inclusif, l’institution militaire réitérait sa position initiale dans le dernier numéro de la revue El Djeich, l’organe centrale de l’ANP. L’éditorial de ce vendredi 7 juin rappelait que «l’intérêt de la nation est d’opter pour la voie du dialogue sérieux, fructueux et constructif et d’aller, dans les plus brefs délais, vers la recherche de solutions adéquates» en vue de barrer «définitivement la voie à la période de transition qui ne pourrait que conduire à une situation encore plus difficile à maîtriser». Pour ce faire, El Djeich réitère l’appel déjà lancé par Ahmed Gaid Salah pour la constitution «de l’instance indépendante chargée de l’organisation et de la supervision des élections en tant qu’outil légal garantissant le déroulement d’élections présidentielles libres, intègres et crédibles». Selon la même source, il ne fait aucun doute dans l’esprit de l’institution militaire que «la solution à la crise passe impérativement par l’option de la légitimité constitutionnelle qui permettra au peuple l’exercice de son droit à élire le président de la République dans les plus brefs délais» à travers le dialogue auquel seront conviés «des personnalités nationales et des élites sincères et fidèles à la patrie». Pour El Djeich, cette option «permettra de neutraliser toute proposition destinée clairement à faire perdurer la crise» évoquant «les intentions malveillantes et les plans diaboliques, les dépassements outranciers et dangereux de certaines parties» à la solde «des bandes».   

La revue estime que ces manœuvres délétères «cherchent à abuser l’opinion publique», «susciter le doute sur toute initiative nationale crédible» par le truchement «immoral des médias, qu’il s’agisse de journaux ou de supports audiovisuels» dans le but de «construire des scénarii farfelus et distiller des mensonges venimeux, des informations erronées ou falsifiées» et «de voir la situation perdurer, voire s’aggraver».

L’édito d’El Moudjahid du 8 juin, même s’il est plus nuancé, ne dévie pas de l’esprit de la feuille de route de l’institution militaire. Le quotidien francophone estime que l’appel de Bensalah pour le dialogue et la concertation répond aux aspirations du peuple et qu’en lieu et place d’une période de transition telle que demandée par l’opposition, El Moudjahid évoque «de prochains mois» pour trouver des solutions consensuelles permettant la tenue de la présidentielle. Les réformes au plan politique et socioéconomique, ajoute la même source, doivent être menées par un président «élu démocratiquement» et qu’elles nécessitent une «mobilisation permanente» de tous les acteurs.