Et si grève il y a !

Ryma Maria Benyakoub et Sofia Ouahib El Watan, 8 mars 2019

Depuis une semaine, les communiqués et les prises de position se succèdent. Avocats, médecins, enseignants, étudiants, chefs d’entreprise, artistes, moudjahidine, enfants de chouhada…tous disent non au 5e mandat et soutiennent le mouvement populaire. Certains évoquent la possibilité d’observer une grève générale.

C’est le cas, par exemple, de la Confédération syndicale des forces productives (Cosyfop). En effet, après la réunion du bureau national tenue le 28 février, la Confédération a publié un préavis de grève générale, et ce, selon l’article 71 de la Constitution. De son côté, l’Organisation des avocats de la région de Constantine a annoncé un arrêt du travail dans tous les tribunaux et conseils juridiques, et l’entrée dans une grève ouverte à partir du mercredi 6 mars.

Le communiqué a annoncé aussi la tenue de la marche pacifique des avocats, qui a eu lieu hier dans la matinée, à partir du siège du Conseil de magistrature de la wilaya, pour contester le 5e mandat du président Abdelaziz Bouteflika et la violation de la Constitution. Idem pour l’Organisation des avocats de la région de Annaba.

En soutien au mouvement populaire qui rejette la violation de la Constitution et les dépassements commis sur la loi, les personnels du secteur juridique ont annoncé l’organisation d’une assemblée générale en urgence dans le but de prendre des mesures nationales. L’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) n’est pas en reste.

Mercredi, l’union locale UGTA de la zone industrielle Rouiba-Réghaïa a annoncé, dans un communiqué, qu’elle joint sa voix à celle du peuple pour dire oui à un changement du système. «Un système qui préserve la propriété inaliénable du peuple sur les richesses naturelles de la nation, réhabilite le rôle de l’Etat dans le développement économique et social et la lutte contre la pauvreté et les inégalités.

Un système qui se démarque des oligarchies et revalorise la valeur du travail et qui place l’homme au centre du développement. Un système qui garantit les libertés individuelles, collectives et le libre exercice du droit syndical», affirme le communiqué, qui ajoute que l’UGTA ne doit pas s’inscrire en porte-à-faux avec l’histoire et doit exprimer l’adhésion des travailleurs aux aspirations de la nation au changement pour une vie meilleure.

«Silence complice»

L’Organisation nationale des moudjahidine (ONM) a également fait beaucoup de bruit pour soutenir les manifestations contre le 5e mandat. Une prise de position historique. Pour Mourad Goumiri, politologue, l’ONM est composée d’une direction supplétive choisie par le pouvoir pour le servir en achetant son silence complice. Mais il reste une base saine et propre qui ne se reconnaît pas dans ses représentants. «Le mouvement populaire, inattendu, du 22 février, suivi par les autres, leur a permis enfin d’exprimer ce qu›ils avaient sur le cœur, pour dénoncer l›utilisation de ce sigle, pour le dénaturé et le salir et créer un Fonds de commerce avec son prestige historique», explique M. Goumiri.

L’Organisation nationale des enfants de chouhada (ONEC) a également affiché son soutien à la contestation populaire. Dans un communiqué rendu public, celle-ci assure sa participation au mouvement populaire contre le 5e mandat du président sortant. Toujours selon Mourad Goumiri, la même séquence va se reproduire avec l’UGTA, le FCE et autres organisations satellitaires que le pouvoir a instrumentalisées durant ces 20 dernières années. «En langage stratégique, on appelle cela la ‘‘théorie des dominos’’, une dynamique qui fait tomber, un à un, des murs que l’on croyait indestructibles», conclut-il. Comme ce fut le cas pour les marches pacifiques, les appels à la grève générale se multiplient.

Compte tenu de la situation actuelle et de la détermination du peuple, celle-ci, finira sans doute par avoir lieu si aucun changement ne s’opère. «Cela dépendra de l’évolution de la situation», confie Mohamed Hennad, politologue. Selon lui, une grève nationale reste très possible vu l’étendue des marches sur l’ensemble du territoire national et la détermination de la population contre un 5e mandat de Bouteflika.

Dynamique

«Mais aussi en raison du manque d’initiatives de la part des tenants du pouvoir qui donnent l’impression de se terrer, tout en laissant le chef de l’armée, M. Gaïd Salah, s’exprimer à leur place, lequel a commencé par une menace à peine déguisée dans son discours de Tamanrasset pour revenir, semble-t-il, à de meilleurs sentiments dans son autre discours de Cherchell», ajoute Mohamed Henad. Celle-ci, devra être, selon le politologue, l’ultime recours car elle va bloquer tout le pays. «Il est impératif que la lutte actuelle ne se radicalise pas trop et surtout pas trop tôt, non seulement pour éviter au pays, déjà traumatisé, d’autres souffrances, mais aussi pour que cette lutte puisse gagner plus de sympathie dans le pays et à l’étranger», ajoute-il.

C’est pour cette raison que M. Henad propose de penser à d’autres formes de lutte pour «faire dégager le système de gouvernance actuel», même si cela va sûrement nécessiter beaucoup de temps et de patience. N’empêche, si l’opinion publique arrive à la conclusion qu’une grève générale est la seule issue pour imposer le changement, Mohamed Hennad affirme qu’il faudra y aller sans hésiter.

Par ailleurs, l’expert politique précise que la grève générale aura, certainement, un impact sur les tenants du pouvoir. Mais il faudra aussi prendre en compte l’entêtement dont ceux-ci auront fait preuve pour en arriver jusque-là. «Ceci dit, et quelle qu’en soit l’issue, les tenants du pouvoir ne pourront en sortir que plus affaiblis et auront fait perdre au pays plus de temps encore», souligne-t-il. Et de conclure : «Une grève générale ne devrait jamais échouer tant elle est la forme suprême de la désobéissance civile. On ne pourra pas aller plus loin». Ces appels à la grève seront-ils suivis ? Comment se traduira-t-elle dans les différents secteurs ? Quelles seront ses répercussions ? Experts et spécialistes apportent des réponses. n

 

#Éducation

«Si grève générale il y a, plus de 10 millions personnes sont concernées dans le secteur de l’éducation.»

De nombreux appels à une grève nationale ont été lancés depuis la confirmation de la candidature de Bouteflika. D’ailleurs, les syndicats autonomes du secteur de l’éducation appellent à une grève générale le 13 mars, accompagnée de marches pacifiques à 10h à partir de des directions de l’éducation. «La grève générale est différente d’une grève lambda car son aspect est politique et ses revendications ne sont ni professionnelles ni financières», explique Bachir Hakem du CLA.

Selon lui, l’histoire de la lutte syndicale des enseignants a montré que la stratégie de confrontation la plus utilisée par les syndicats demeure l’arrêt systématique des cours. La lutte syndicale traîne derrière elle des conséquences redoutées, retentissantes sur les élèves – programmes bâclés, évaluations tronquées, année invalide ou blanche – malheureusement pas ressenties par le gouvernement. «Une grève générale quant à elle engagerait des adolescents et leurs parents qui pour la première fois seront à 100% solidaires avec une revendication nationale», explique Bachir Hakem. Et si ces grèves se généralisent ?

Quelles seraient leurs répercussions dans le cas ou elles deviendraient ouvertes ? Si l’on se réfère aux chiffres du système éducatif en Algérie en 2016-2017, le secteur de l’éducation compte 8 691 006 élèves, 294 545 divisions pédagogiques ainsi que 459 100 enseignants. Deux ans plus tard, ces chiffres sont évidemment à revoir à la hausse.

«Le secteur de l’éducation compte environ 10 milllions de personnes, soit 25% de la population. Ceci sans compter le secteur de l’enseignement supérieur», indique-t-il.

Pour Bachir Hakem, cette nouvelle dynamique associera les parents, les enfants et les travailleurs de l’éducation au processus décisionnel. «Nos enfants ne seront plus pris en otage par les syndicats et ne deviendront plus une monnaie d’échange entre les enseignants et le gouvernement car ils seront des acteurs solidaires à toute grève générale qui engagerait leur avenir», explique-t-il. L’enseignement supérieur n’est pas en reste. Les syndicats de ce secteur invitent les enseignants à participer en force, aujourd’hui, à cette marche historique. «Nous tenons a affirmer que nous sommes concernés directement par cette dynamique à laquelle nous voulons participer. Les instances des deux organisations syndicales se réuniront après le 8 mars pour faire le bilan et discuter des perspectives», peut-on lire sur leur communiqué.

#Santé

«Dans le secteur de la santé, on soutient le peuple mais on ne néglige pas les malades.»

Les organisations syndicales autonomes – Syndicat algérien des paramédicaux, Snapsy, Snechu, Syndicat national des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires, Syndicat national des médecins généralistes de santé publique (SNMGSP), Syndicat national des praticiens spécialistes de santé publique (SNPSSP) – se sont réunies en intersyndicale mardi dernier et ont décidé de rejoindre le camp du mouvement populaire pacifique lancé le 22 février dernier. Par son communiqué, l’intersyndicale vise à attirer l’attention contre les conséquences qui découleraient du refus de répondre à l’appel du peuple et les risques d’embrasement pour l’Algérie, ainsi que l’importance de préserver le caractère pacifique des manifestations.

Selon Lyes Merabet, président du SNPSP, les travaux de cette intersyndicale ont été entamés quelques heures seulement après la marche du 22 février : «Le Syndicat national des praticiens de santé publique a réuni son conseil national à Alger le 25 février 2019, c’est-à-dire 48 heures après la première marche nationale contre le 5e mandat. Il a été largement débattu en plénière la position du SNPSP par rapport à la situation politique du pays.»

Et Lyes Merabet d’ajouter qu’au cours de ces discussions, les réactions des délégués de wilaya étaient mitigées au point de dégager trois voies d’expression entre ceux qui défendaient la nécessité de sortir avec un mot d’ordre qui rejoint la protestation de la rue. «Il y avait ceux qui considéraient qu’une telle décision traduirait une position politique que seul un congrès extraordinaire du SNPSP peut prendre. Il y avait aussi ceux qui prônaient l’expectative en attendant une position coordonnée dans le cadre de la Confédération des syndicats algériens (CSA)», poursuit-il.

Lyes Merabet explique ainsi que le conseil national du Syndicat des praticiens de la santé publique a reporté toute prise de décision en rapport avec la situation à une date ultérieure. «Cependant, les cadres du SNPSP et ses adhérents sont libres de prendre part à ces manifestations à titre personnel et en tant que citoyens», précise-t-il.

Cela dit, le président du SNPSP souligne que le bureau du syndicat est en «contact permanent avec d’autres organisations syndicales du secteur de la santé et d’autres secteurs de la fonction publique et du secteur économique pour se concerter sur toute démarche qui pourrait accompagner et encadrer les revendications du peuple sans pour autant se les approprier».

En ce qui concerne les appels à la grève générale et à la désobéissance, le syndicaliste affirme que pour le moment, aucune décision n’est entérinée au niveau du SNPSP et il est, selon lui, un peu précipité de «disserter sur le contenu de certains appels anonymes lancés sur les réseaux sociaux avant de revenir à la base et d’obtenir le quitus des adhérents qui nous ont mandaté pour parler en leur nom». «Le SNPSP, en tant qu’organisation syndicale autonome, a toujours affiché et assumé ses positions. Nous sommes à l’avant-garde du combat pour la justice et les libertés démocratiques et nous assurons nos concitoyens que nous sommes avec eux», conclut Lyes Merabet.

Pour le secteur pharmaceutique, d’après Ahmed Benfares, pharmacien d’officine, dans des conditions normales et dans un cadre de revendications socioprofessionnelles, c’est le syndicat qui appelle à la grève. Mais comme «aujourd’hui nous sommes dans un contexte de protestation a caractère citoyen, il serait souhaitable que dans un mouvement de solidarité le Syndicat national algérien des pharmaciens d’officine (Snapo) fasse un tel appel. Il pourrait ainsi s’allier à d’autres syndicats pour entreprendre des actions concertées», lance le pharmacien.

Selon Ahmed Benfares, la possibilité du recours à une grève n’est pas exclue : «Mais si grève des pharmaciens il y a, elle serait une action soit collective recommandée par le Snapo ou bien individuelle, en réponse à un appel citoyen. Dans les deux cas, la concertation sera nécessaire pour assurer un service minimum.» Ainsi, le pharmacien assure que le citoyen ne sera en aucun cas pénalisé. Soulignant qu’une grève désorganisée «aura bien entendu des effets calamiteux, mais c’est un cas à ne pas du tout envisager. Les pharmaciens n’accepteront jamais d’abandonner leurs malades sans soins.

Nous serions alors dans un cas de non assistance et le résultat risque de donner des effets inverses à ceux escomptés». Cependant, le pharmacien assure qu’il n’y aura jamais de grève désorganisée. Pour Benfares, le seul cas où la fermeture générale serait envisageable est l’insécurité extrême et, là encore, «on se fera un devoir de donner satisfaction à nos malades par n’importe quel moyen. Le malade ne sera jamais livré à lui-même».

#Import-Export

«Si certains secteurs névralgiques répondent à l’appel à la grève, les conséquences seront graves.»

Pour l’économiste Smaïl Lalmas, la grève générale à visée politique est un moyen de combat des peuples, aidé par la rapidité des moyens de communication modernes. Ce n’est pas une nouveauté, on a vu l’efficacité de cette tactique dans nombreux pays du monde qui l’ont déjà adoptée. «La grève générale passe pour le mode de combat le plus moderne, ayant pour objectif une paralysie totale du pays. Cela dit, quand on parle de grève générale, cela suppose aussi une grève interprofessionnelle touchant en principe tous les travailleurs d’un pays», explique-t-il. «On parle d’une grève générale de 5 jours. Le pouvoir, à mon avis, ferait mieux de réfléchir mûrement et de façon rationnelle à la question, et de placer l’intérêt national avant toute autre considération.

Malheureusement, l’histoire a démontré l’entêtement du pouvoir algérien», se désole le spécialiste en import-export. Car en effet, sur le secteur de l’import-export, les dommages collatéraux d’une telle action seront très importants, notamment sur l’activité importation. Il rappelle que l’Algérie est un pays dépendant de l’extérieur : «Plus de 70% des besoins en denrées alimentaires de l’Algérie sont assurés par les importations. Sans oublier de signaler notre dépendance à l’importation en industrie, ce qui fait que si certains secteurs névralgiques comme les banques, les services portuaires et autres, répondent à l’appel à la grève, ce qui est prévisible, les conséquences seront graves, surtout si la grève dure dans le temps.»

Et d’ajouter que pour l’activité d’exportation, dominée essentiellement par les hydrocarbures, «si elle est touchée par la grève pour une longue durée, les conséquences seront tout simplement dramatiques pour le pays». Si l’impact risque d’être aussi fort, c’est parce qu’il est évident que la grève générale perturbe l’activité économique d’un pays.

Elle peut engendrer des perturbations dans le trafic, au niveau des administrations, universités, écoles, la grande distribution et autres… Cependant, Smaïl Lalmas souligne que les conséquences sont relatives à la durée de cette grève, à sa dimension et à son ampleur : «Si elle est d’une journée par exemple et au niveau d’un secteur donné, je suppose que les dommages ne seront pas graves, et à court terme, on peut éventuellement corriger et rattraper la situation.

Par contre, au niveau macroéconomique, une journée de grève génère des pertes considérables.» Pour avoir une idée plus claire, l’expert propose de se référer au PIB et le calcul sera simple pour avoir l’ampleur les pertes causées pour une journée de grève générale. «Il faudrait aussi, à mon avis, prévoir un service minimum pour ne pas pénaliser le citoyen durant cette période de grève générale», ajoute-il. D’ailleurs, Smaïl Lalmas avance un autre plan d’action : il propose, comme première étape, d’aller vers une grève d’une journée au milieu de la semaine prochaine. S’il n’y a pas de retour ou de réponse favorable aux revendications du peuple, ce dernier doit sortir dans la rue et manifester pacifiquement, pour accompagner ce mouvement de grève générale.

Comme deuxième étape, l’expert propose de passer à une autre cadence dans la semaine qui suit : une grève générale plus conséquente de plusieurs jours et revenir donc à l’idée arrêtée de 5 jours. Smaïl Lalmas indique que si malgré son état de santé, le président et son entourage persistent à maintenir sa candidature pour un 5e mandat, «des manifestations d’une ampleur historique, à travers tout le pays, n’ont pas réussi, pour le moment, à faire changer d’avis ce pouvoir.

Pourtant, je retiens bien de la dernière lettre du président candidat, de sa volonté d’apaiser les cœurs et les esprits de ses compatriotes, en sa qualité de moudjahid fidèle à la mémoire des valeureux martyrs. Donc, s’il pense vraiment ce qu’il écrit, je l’invite dans ce cas à respecter la volonté populaire, de renoncer à ce 5e mandat, et d’engager les changements souhaités par le peuple algérien, cela va certainement apaiser les esprits de notre peuple».

#Economie

«Dans l’hypothèse que la grève soit suivie par 60% des citoyens, l’économie nationale perdra approximativement 330 millions de dollars par jour.»

Le secteur de l’économie, l’un des plus importants, sera sérieusement handicapé si grève générale il y a. L’expert financier Souhil Meddah explique que dans un sens global, l’impact doit se mesurer sur tout l’espace économique en ne se limitant pas uniquement sur un ou deux secteurs. Tous les secteurs seront directement ou indirectement touchés, et cela même dans cas ou il n’y aura pas d’adhésion collective et effective de la part de tous.

Selon lui, ce qui est inquiétant sur le plan économique, c’est le fait qu’aucune procédure réglementaire et réglementée n’est prévue dans ce cas de figure. Un appel libre et illimité donne lieu à une forme de mouvement à la fois mobilisateur, intègre mais anarchique en même temps. Concrètement, comment une grève générale se traduira-t-elle dans ce secteur  ? Pour Abdelhak Lamiri, économiste, on peut s’inspirer des grèves qui ont eu lieu dans de nombreux autres pays pour prévoir la forme qu’elle pourrait prendre.

D4après son analyse, la plupart des commerces et des administrations seront appelés à ne pas fonctionner. Excepté, évidemment, les urgences (hôpitaux, enregistrements de naissances et décès, etc.). Il ajoute : «Les usines publiques peuvent être partiellement à l›arrêt mais il est difficile d›envisager des usines privées qui vont fermer.» En ce qui concerne l’impact d’une telle initiative, les experts s’accordent à dire qu’elle dépend de deux facteurs essentiels. Pour Souhil Meddah, la force de mesure doit se comparer par rapport au poids des acteurs libres et individuels qui seront appelés à s’annoncer publiquement comme adhérant à ce mouvement, en tenant compte bien sûr de l’importance des conséquences exclusives adossées à ces mêmes acteurs après la fin de cette action.

Le second facteur est la durée : Souhil Meddah explique que plus la durée s’allonge, plus le cumul des effets négatifs n’est plus compensable par des actes de compensation économique et de rattrapage financier. «La forme de notre modèle économique dépend totalement du rythme dépensier alloué à la vitesse avec laquelle avance la chaîne des activités. A partir du moment où on commence à bloquer les passages utiles et ordinaires le rythme de la croissance recule», confie-t-il. De son côté, Abdelhak Lamiri explique que l’idéal serait qu’elle soit courte (un jour ou deux), mais massivement suivie.

Pour lui, il faut qu’elle soit alternée avec des contestations massives mais pacifiques. «Une grève de longue durée va épuiser les citoyens car ce sont eux qui vont en payer les conséquences ainsi que l’économie nationale qui sera gravement affectée. Il serait donc souhaitable qu’elle soit de courte durée», conclut-il. Pour ce qui est des conséquences d’une telle initiative, elles dépendront également de plusieurs paramètres, tels que les secteurs qui vont participer.

Pour Abdelhak Lamiri, il est difficile d’imaginer que le secteur pétrolier va suivre, mais si tel était le cas, et en faisant l’hypothèse qu’elle serait suivie par 60% des citoyens, l’économie nationale perdra approximativement 330 millions de dollars par jour, c’est à dire un milliard de dollars pour trois jours. Même  si le secteur pétrolier ne participe pas, on perdra environ 228 millions de dollars par jour.

«L’économie nationale peut supporter cela quelques jours mais pas plus», assure-t-il. Souhil Meddah indique que l’impact d’un tel revirement du statut de l’acte économique, qu’il soit volontaire ou involontaire, va sans doute nuire sur différents niveaux. D’abord, sur les équilibres des postes macro-économiques. Ensuite, dans les ratios périodiques de la fiscalité ordinaire si le rythme de l’activité en général baisse.

Il nuira également aux flux financiers liés aux revenus et à l’épargne si le doute s’installe au milieu des ménages. Et pas que ! Il aura également un impact sur les flux à la consommation si le rythme des approvisionnements commence à baisser en cadence. Pour Abdelhak Lamiri, il est temps que le mouvement se structure démocratiquement car il y aura des décisions à prendre au fur et à mesure que ce dernier s’approfondit.

Pour lui, les choix organisationnels sont multiples et il faudrait choisir la bonne organisation. «Il y a beaucoup de questions à régler : la transition, les mécanismes à mettre en place, etc. Le pouvoir est en train de chercher une porte de sortie. Continuer à manifester massivement et dans le calme va contribuer peu à peu à l’orienter vers le jet de l’éponge», conclut-il.