Démonstration des robes noires contre le 5e mandat
Salima Tlemcani, El Watan, 8 mars 2019
Des centaines d’avocats du barreau d’Alger, mais aussi de Blida, Boumerdès, Tizi Ouzou, Biskra, Sétif, Bouira, Tipasa, pour ne citer que ceux-là, ont pris part hier à une manifestation contre le 5e mandat du Président sortant, en réponse à un appel lancé la veille par le conseil de l’Ordre d’Alger.
Vêtus de leur robe noire, hissant des banderoles et des drapeaux, ils ont marché vers le siège du Conseil constitutionnel en scandant «La défense refuse la violation de la Constitution», «Les avocats pas d’abdiquent pas et ne reculent pas», «Non au 5e mandat», etc. Dès 9h, ils arrivaient par petits groupes avant de se rassembler sur les deux côtés de la chaussée faisant face au siège du ministère de l’Energie, au Val d’Hydra, à Alger.
Entonnant des chants patriotiques et des slogans hostiles appelant au «Respect de la Constitution», ils ont eu du mal à franchir le mur de policiers dressé sur la route. Une heure après, le boulevard menant vers le Conseil constitutionnel était envahi par les manifestants. Décision est prise pour remonter jusqu’au siège de cette instituition, située à quelques centaines de mètres. Les policiers sont surpris par l’avancée rapide des avocats. Les barrières métalliques qui isolent le haut de cette grande artère tombent par terre sous l’effet de la bousculade.
Les policiers sont dépassés. Ils n’arrivent plus à contenir la masse d’avocats, munis de drapeaux, qui avance subitement vers le Conseil. Le premier groupe y arrive, en scandant «Algérie, république et non royaume», «La défense en colère». Ils sont près d’un millier à avoir rejoint la manifestation. Ils se rassemblent devant l’entrée principale de la troisième institution du pays, en criant haut et fort leur colère contre le 5e mandat.
Ils veulent remettre un message écrit au président, Tayeb Belaiz. Deux représentants, maîtres Sellini et Benaadila, respectivement bâtonniers d’Alger et de Boumerdès, sont désignés pour remettre la lettre. Une fois à l’intérieur, seul maître Sellini est admis.
Message
Cependant, il rebrousse chemin après que l’agent l’informe que l’entrevue ne sera pas avec le président du Conseil mais avec un administrateur. Dans cette lettre, le barreau d’Alger rappelle à Tayeb Belaiz et aux membres de l’institution qu’il préside «leur responsabilité devant l’histoire et leur devoir de garants du respect de la Constitution». Il les met en garde contre toute validation de la candidature du président sortant pour un 5e mandat qui, selon eux, ne répond pas aux critères non seulement de santé, mais aussi de respect de la procédure qui oblige tout candidat à déposer lui-même son dossier.
Mardi dernier, une délégation de l’Union nationale des barreaux d’Algérie a demandé à être reçu par le président du Conseil, pour lui remettre la déclaration qui avait sanctionné leur réunion extraordinaire, tenue la veille.
Tout en le rendant responsable devant l’histoire et le peuple de toute violation de la Constitution en validant la candidature du président sortant, l’Union exige «le retrait de de la compétion électorale, le respect des libertés collectives, notamment celles liées aux droits de manifester pacifiquement et de s’exprimer, le report des élections pour aller vers une période de transition d’une année, au cours de laquelle un gouvernement technocrates sera chargé d’organiser un scrutin présidentiel transparent».
L’Union a également annoncé une «grève de quatre jours au niveau de toutes les juridictions (à l’exception des affaires liées à des délais) et des rassemblements de protestation devant les tribunaux et cours, le 11 mars au niveau national».
Dès midi, les avocats ont commencé à se disperser, se donnant quand même rendez-vous pour la marche de vendredi, à laquelle les Algériennes ont appelé en ce 8 mars, Journée internationale dédiée aux droits des femmes.