Situation politique et manifestations de rue : Le ton instable d’Ahmed Gaïd Salah
Mokrane Ait Ouarabi, El Watan, 7 mars 2019
Le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah multiplie les sorties médiatiques et les commentaires sur la situation particulière que traverse le pays. Ses interventions se suivent, mais ne se ressemblent pas forcément.
D’un ton dur, voire menaçant, le chef d’état-major de l’ANP passe aisément à un ton plus ou moins conciliant, glorifiant le peuple et lui tressant des lauriers.
Au lendemain des imposantes marches du 22 février contre le 5e mandat, le vice-ministre de la Défense nationale a mis en garde les Algériens contre les «appels suspects» à la mobilisation «au nom de la démocratie», assurant que l’ANP se dresserait en rempart contre tous ceux qui voudraient attenter à la stabilité du pays. «Est-il raisonnable que des Algériens soient poussés vers l’inconnu, à travers des appels suspects qui sont d’apparence en faveur de la démocratie mais qui, au fond, visent à entraîner ces personnes égarées sur des chemins non sécurisés», a lancé Ahmed Gaïd Salah.
Une déclaration qui visait les appels à manifester contre le 5e mandat. Après ses déclarations enflammées à Tamanrasset contre ceux qui appelaient à la mobilisation pour le changement du système, lesquelles ne figuraient plus dans le discours écrit envoyé par la suite à la presse, le vice-ministre de la Défense renonce un tant soit peu à son ton belliqueux et adopte un discours plutôt apaisé et apaisant. Mardi 5 mars, à l’Académie de Cherchell, le chef de l’état-major a également commenté les événements que traverse le pays son user d’un langage menaçant.
Le général de corps d’armée a plutôt joué sur le terrain de la stabilité à laquelle tient plus que tout le peuple algérien. Plutôt ambigu, le discours de Gaïd Salah a d’ailleurs suscité des lectures contradictoires. Il y a ceux qui considèrent que le chef d’état-major de l’ANP continue sur le registre des menaces indirectes en assurant que l’ANP se dressera en rempart contre tous ceux qui voudraient renvoyer le pays aux années de braise.
Ces gens-là s’appuient sur des déclarations comme celle-ci : «Soyez sûrs que l’Armée nationale populaire, consciente des problèmes sécuritaires que connaissent certains pays de notre environnement géographique proche et lointain, connait pertinemment les dessous et les dimensions de tout ce qui se passe autour de nous avec tout ce que cela représente comme risques et menaces sur notre pays, qui demeure ciblé par ses ennemis, et tant envié pour le bienfait de la sécurité dont jouit son peuple.
Cette conscience au sein de l’Armée nationale populaire fait d’elle une armée éveillée et vigilante ; une armée qui restera toujours le gardien loyal des intérêts suprêmes de la patrie conformément à la Constitution et aux lois de la République.» Il y a ceux qui pensent qu’il s’adresse plutôt à des «parties» tapies dans l’ombre qui chercheraient à semer l’anarchie pour contrer les manifestations populaires. Mais la tendance est plutôt pour les menaces.
Car, le chef de l’état-major a habitué les Algériens depuis des mois aux discours musclés et aux mises en garde contre ceux qui cherchent à porter atteinte à la sécurité et à la stabilité du pays, notamment, en évoquant à chaque fois des «parties qui sont dérangées de voir l’Algérie stable et sûre et veulent la ramener aux douloureuses années de braise, lors desquelles le peuple algérien a vécu toutes les formes de souffrance et payé un lourd tribut». Ainsi donc, le vice-ministre de la Défense use d’un ton instable, qui s’expliquerait par les incertitudes qui pèsent sur le pays.