Secoué par la révolte populaire, le clan présidentiel commence à se fissurer

Nidal Aloui, TSA, 5 Mars 2019

La secousse n’a pas été dévastatrice mais elle promet des répliques répétées qui rendront difficile la sauvegarde de l’édifice. Le président Bouteflika a finalement déposé sa candidature à un cinquième mandat qu’il promet d’ores et déjà de ne pas conduire à son terme, signe qu’il a entendu la colère de la rue, mais l’acte n’a pas soulevé l’enthousiasme de ses zélateurs. Au contraire, il y a une gêne chez les plus engagés d’entre eux. Ils ne se sentent pas encore libérés de l’obligation de servitude qu’ils se sont imposée en retour de quelques faveurs.

Par devoir de conscience avant une croisière incertaine ou simplement par intérêt ou par un sursaut d’orgueil, certains ont fait le choix de mettre pied à terre, avant la destination fatidique ou une halte imposée. Comme dans la théorie les cercles concentriques, les défaillances ne se révèlent pas dans la proximité immédiate du centre. Elles se rapprocheront au fur et à mesure que les répliques se répéteront.

Sellal sacrifié, d’autres soutiens du président comme Sidi Saïd ou Ali Haddad sont des dans positions inconfortables. Le syndicat UGTA de l’Eniem Tizi-Ouzou s’est démarqué du soutien au 5e mandat.

Le FCE a été ébranlé par la démission du vice-président Laïd Benamor. Dans une lettre aux adhérents, le patron du groupe éponyme a donné un sens politique à sa démission. La “continuité” tant vantée pour soutenir un cinquième mandant ne peut pas se faire “à rebours” de la demande populaire qui s’exprime dans la rue. Ce serait une “ineptie”, un “non sens”, la “négation de nos valeurs et de notre histoire”. M. Benamor a clairement quitté la caravane du 5e mandat.

Comme lui, Mohand Arezki Aberkane a invoqué des raisons politiques pour justifier son départ du FCE qui a eu des positions politiques incompatibles, voir antagoniques avec ses missions”. Le DG de Sogemetal a mis en cause les propos privés de M. Haddad lors d’une conversation avec Sellal, qui a été piratée.

Parmi les hommes politiques, c’est l’ancien ministre Sid Ahmed Ferroukhi qui a décidé de quitter le FLN et de rendre son mandat de député. Plutôt que les sièges soporifiques du palais, il entend “accompagner ce mouvement social important pour l’avenir de notre pays”. Ce qui se passe depuis quelques jours dans la rue contre le 5e mandat a révélé, selon lui, “le grand décalage entre les évolutions sociétales et les institutions”. L’ancien ministre salue cette “espérance d’une Algérie nouvelle”. Il préfère se consacrer à des activités dans les champs où l’on moissonne des produits alimentaires sains et non dans le terrain pollué de la politique.

Toujours à l’APN, le député de Béjaïa Khaled Tazaghart, a choisi de répondre à la demande des manifestants qui souhaitent des gestes de cohérence entre les engagements proclamés et la pratique. L’APN étant une chambre d’enregistrement où l’opposition est réduite à un rôle de tapisserie quel intérêt à y demeurer. Khaled Tazaghart connu pour sa fougue et son franc-parler a ainsi suivi la voie de Me Mustapha Bouchachi qui s’est fait élire avec l’intention de démontrer l’inutilité de l’APN. ll a bien réussi. Moins médiatique, le maire FLN d’Amizour, une grande daïra de la wilaya de Bejaïa, a également annoncé sa démission pour dénoncer le cinquième mandat.

Ces démissions s’ajoutent à celles qui ont été enregistrés dans les médias publics et même privés où l’on refuse d’être réduit au rôle de support publicitaire du 5e mandat. Dernière en date, celle Nadia Madassi, présentatrice du JT de 19 heures de Canal Algérie démissionné ce lundi, furieuse de s’être vue remettre à la dernière minute la veille la déclaration écrite du président Abdelaziz Bouteflika, dont elle a dû donner lecture à l’antenne.

Nadia Madassi présentait depuis 15 ans le journal télévisé du soir de Canal Algérie. “On lui a remis à la dernière minute le message du président Bouteflika”, elle “a été mise mal à l’aise. Elle a très mal vécu cet épisode, elle a décidé de ne plus présenter le JT et de rejoindre la rédaction”, a expliqué un journaliste de Canal Algérie.

“C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Depuis le début des manifestations, on ne nous laisse pas travailler”, a souligné ce collègue de la journaliste, déjà considérée sur les réseaux sociaux comme un exemple à suivre.