Canditature de Bouteflika: La France officielle consent

Abla Chérif, Le Soir d’Algérie, 20 février 2019

La France aux commandes a pris acte sans réserve de la candidature de Bouteflika. Une option à laquelle elle était déjà préparée alors que des critiques particulièrement virulentes sont émises dans les milieux médiatiques et les faiseurs d’opinions.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – A Alger, le personnel diplomatique en place scrute à la loupe les nouveaux éléments d’une situation qu’il tente de cerner depuis plus d’une année. Ici, la certitude de la confirmation de l’option du cinquième mandat semble avoir rarement fait défaut.
Tout porte à croire qu’elle avait été retenue bien avant la visite d’Emmanuel Macron, le 6 décembre 2017. Durant laquelle, dit-on, le jeune Président, à la popularité encore peu contestée, avait soulevé directement le sujet de la succession avec ses vis-à-vis algériens mais aussi dans l’enceinte de l’ambassade. Il avait alors écouté, sans émettre de réserves, les discours rassurants de ses hôtes locaux qui l’ont mis face à «l’évidente et nécessaire» continuité qui garantirait la pérennité de la stabilité du pays mais aussi son rôle essentiel dans la région. Macron prend acte, mais se garde de tout commentaire.
Avant de quitter l’Algérie, il tente d’arracher des promesses de faciliter l’activité des opérateurs économiques français. Mais dans son entourage, nul n’ignore la priorité qu’il accorde au dossier sécuritaire. Depuis son arrivée au pouvoir, les deux Présidents ont eu au moins trois échanges téléphoniques essentiellement consacrés à la situation au Sahel.
La Libye, où il a tenté de faire valoir le rôle incontournable de la France et surtout le Nord-Mali où sont embourbés les contingents déployés dans le cadre de l’opération Barkhane, focalisent particulièrement son attention.
Entre les deux pays, des échanges ont régulièrement lieu, et d’un côté comme de l’autre, ce même dossier se transforme progressivement en carte précieuse.
A Paris, les hauts gradés de l’armée évoquent face aux médias le rôle incontournable de l’ANP dans le chaudron sahélo-sahélien. Alger s’en vante et s’enorgueillit. Dans l’ensemble, tout un équilibre semble ainsi maintenu. Macron prend également rendez-vous pour 2018, au premier trimestre, laissent fuiter des sources, mais les évènements qui s’accélèrent dans son pays ne lui laissent d’autre choix que d’annuler son projet.
Une visite en Algérie dans une période aussi floue que celle ayant précédé l’annonce officielle du cinquième mandat lui aurait surtout valu davantage de foudres. Malmené par son opinion, le Président français fait face à un climat insurrectionnel qui le contraint à éviter tout faux pas. Difficilement, il résiste à la vague qui menace de l’emporter mais sans perdre l’essentiel. Alors candidat, Macron s’était rendu à Alger où il a été accueilli en ami.
Aujourd’hui, la reconduction de Bouteflika et son équipe ne lui pose aucun problème. Sans dire mot, la France officielle consent. Elle s’y était préparée et transmis un message de taille en niant, par la voix de son ambassadeur à Alger, toute existence de lien entre les déclarations de Bajolet et de supposés directives de l’Elysée. L’ancien patron de la DGSE et ancien ambassadeur de France en Algérie est l’auteur d’un ouvrage (Le soleil ne se lève plus à l’Est) qui a dérangé à Alger. A cela, se sont ajoutées ses déclarations virulentes mettant en exergue l’état de santé de Bouteflika.
L’autre voix de la France s’était exprimée, se joignant à celle qu’Emmanuel Valls (alors Premier ministre) avait diffusée mais en image. Après sa rencontre avec le Président algérien, celui-ci avait tweeté sur son compte une photo montrant Bouteflika dans l’un de ses plus mauvais jours. Aujourd’hui, elle sert d’appui, de «preuve» aux milieux médiatiques français et faiseurs d’opinions hostiles à un cinquième mandat.
L’annonce officielle de la candidature de Abdelaziz Bouteflika a été très fortement critiquée par une partie de la presse française qui met en avant des scénarios susurrés dans les milieux diplomatiques à Alger : la peur de l’exode d’Algériens frustrés vers une France qui ne suffit plus à elle-même.
A. C.