Marché du travail en Algérie: Les limites de la politique de gestion du chômage

Liberté, 13 février 2019

Il n’y a pas encore en Algérie une politique de l’emploi, mais seulement une politique de gestion du chômage — très coûteuse par ailleurs — financée par la dépense publique.

L’Office national des statistiques (ONS) a publié récemment les chiffres sur l’emploi et le chômage en Algérie en septembre 2018. Au-delà du taux de chômage qui est reparti à la hausse, les données publiées par l’ONS cachent mal une réalité beaucoup plus amère de la situation économique et du chômage en Algérie. Contrairement à ce qui est présenté par les pouvoirs publics, les solutions apportées restent de simples “solutions d’attente” et le traitement du chômage n’est pas économique mais fondamentalement social. Il n’y a pas encore en Algérie une politique de l’emploi mais seulement une politique de gestion du chômage — très coûteuse par ailleurs — financée par la dépense publique.
La contrainte sur la commande publique induite par le resserrement des dépenses publiques a mis à mal des centaines d’entreprises du secteur du BTPH.
Cette situation accroît le risque de mortalité de ces entreprises. Par conséquent, une menace sérieuse pèse sur des milliers d’emplois. Les statistiques de l’ONS révèlent une baisse dans le volume de la population occupée dans le secteur de la construction (127 000), mais également dans l’agriculture (79 000) et dans les industries manufacturières (43 000). Établissant l’état des lieux, l’Association générale des entrepreneurs algériens a indiqué que faute de plans de charges suffisants, de nombreuses entreprises du secteur du BTPH sont en difficulté.
La chute des revenus pétroliers a engendré le gel de la majeure partie des projets non entamés et une insuffisance des crédits de paiement pour les projets en cours de réalisation. “Ce sont près de 35 000 entreprises offrant près de 1 000 000 d’emplois directs et indirects qui risquent de disparaître progressivement avec tout le cortège de mises au chômage et de misère que cela implique”, alerte l’association patronale.
Les résultats de l’enquête de l’ONS font ressortir que 16,1% de la main-d’œuvre totale exercent dans le secteur du BTP (construction), 16,1% dans le commerce, 15,8% dans l’administration publique hors secteur sanitaire, 14,4% dans la santé et l’action sociale et 11,7% dans le secteur des industries manufacturières. Par ailleurs, l’ONS indique que les chômeurs ayant déjà travaillé sont estimés à 728 000, formant ainsi 49,8% de la population au chômage, constituée majoritairement d’hommes (79,9%). Les trois quarts de cette population travaillaient en tant que salariés non permanents et 73,7% étaient dans le secteur privé.
41% exerçaient dans le secteur des services marchands, 21,8% dans l’administration et 21,7% dans le secteur de la construction. 62,9% ont quitté leur dernier emploi pour fin de contrat, cessation d’activité de l’entreprise ou licenciement.
L’ONS constate, également, une augmentation du volume de l’auto-emploi en septembre 2018 par rapport à avril de la même année, avec un solde positif de 220 000, une baisse du volume des salariés permanents (55 000), alors que le volume des salariés non permanents connaît une décroissance plus importante estimée à 233 000.
En outre, la population qui se situe dans le “halo du chômage” a atteint, en septembre 2018, un volume de
1 637 000 personnes, soit une augmentation de 203 000 par rapport à avril. Il s’agit d’une population relativement jeune ; les moins de
30 ans constituent plus de la moitié de cette population (51,6%). Cette population est caractérisée par son faible niveau d’instruction : 70,5% n’ont aucun diplôme, alors que 55,1% n’ont pas dépassé le cycle moyen. 29,4% n’ont pas effectué de démarches pour trouver un emploi car ils pensent qu’il n’y a pas de postes d’emploi ou parce qu’ils n’ont pu trouver un emploi par le passé et 26,4% pour des raisons familiales.

Meziane Rabhi