Les réserves de change sous la barre des 80 milliards de dollars
Une perte de plus de 4 milliards de dollars en trois mois
Nadjia Bouaricha, El Watan, 03 février 2019
Tant que les prix des hydrocarbures ne connaîtront pas une hausse maintenue à moyen et long termes, et tant que la machine de production nationale demeurera faible et non diversifiée et justifiant encore plus d’importation, le niveau des réserves de change s’érodera davantage jusqu’à épuisement.
L’année 2019 est entamée sur l’annonce d’une nouvelle baisse du niveau des réserves de change. Alors qu’elles étaient de 82,12 milliards de dollars en novembre dernier, les réserves de change ont chuté à 79,80 milliards de dollars en ce mois de janvier, a indiqué le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, soit une baisse de 4,32 milliards de dollars en l’espace de deux mois.
Ouyahia reconnaît une situation financière «préoccupante» et «difficile», et que c’est «la première fois que les réserves de change passent en dessous de 80 milliards dollars». Ces dernières années et avec la chute des prix du pétrole, le niveau des réserves en devises affiche une baisse continuelle et effrénée face à une économie qui peine à se diversifier et à sortir de la dépendance aux hydrocarbures.
En l’espace d’une année, la perte est de près de 17 milliards de dollars entre décembre 2017 et décembre 2018. Une chute qui va se poursuivre durant l’année en cours, puisque la loi de finances prévoit un niveau de 62 milliards de dollars en 2019, puis 47,8 milliards de dollars en 2020 et 33,8 milliards de dollars en 2021. La balance des paiements passerait, quant à elle, de 17,2 milliards de dollars en 2019, à 14,2 milliards de dollars en 2020 et enfin 14 milliardsde dollars en 2021.
Le Premier ministre affirme que le recours à la planche à billets a permis de sauver l’Algérie «d’une grave crise». Le financement non conventionnel est un mécanisme conjoncturel et n’est toutefois pas une alternative sérieuse à la situation de crise que vit le pays et qui est en attente de véritables leviers pour sortir l’économie nationale de la dépendance aux hydrocarbures, trop liés aux fluctuations et autres aléas du marché international.
Le fameux matelas financier de 200 milliards de dollars atteint en 2014 n’est aujourd’hui qu’un lointain souvenir. Le pari de construire une économie productive n’a pas été tenu durant cette période de manne financière confortable, et aujourd’hui alors que les réserves s’amenuisent, le gouvernement a décidé de recourir encore à la planche à billets, malgré les avertissements des experts sur les risques inflationnistes que cette opération pourrait engendrer à moyen terme.
Tant que les prix des hydrocarbures ne connaîtront pas une hausse maintenue à moyen et long termes, et tant que la machine de production nationale demeurera faible et non diversifiée et justifiant encore plus d’importation, le niveau des réserves de change s’érodera davantage jusqu’à épuisement et poussera l’Algérie vers l’endettement extérieur.
Une telle situation minera les chances d’un endettement contrôlé et sans conditions contraignantes. Une cagnotte confortable des réserves de changes pourrait assurer à l’Algérie de s’endetter sans souffrir des conditions de remboursement, mais manquer de solvabilité entraînerait forcément des conditions lourdes à honorer et réduirait ses marges de manœuvres. La situation est telle, qu’il est préférable et urgent d’agir aujourd’hui afin de bousculer la machine économique avant de se voir contraints et obligés de mener des réformes sous les ordres des institutions financières étrangères.