Présidentielles 2019: Le regard attentif des étrangers
Abla Chérif, Le Soir d’Algérie, 3 février 2019
La communauté internationale semble porter une attention toute particulière à la présidentielle algérienne. Si le fait était déjà très perceptible à travers l’intérêt porté par certaines représentations étrangères présentes sur le territoire national, l’échéance est également commentée par de nombreux médias internationaux qui ont longtemps mis le dossier Algérie de côté.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Cinquième mandat, percée d’un général jusque-là peu connu qui fonce dans l’arène en plaçant la barre très haut, défilé de candidats loufoques postulant à la candidature suprême, démarches politiques d’opposants… Tous les événements qui se succèdent ne laissent pas indifférent «l’étranger». A mi-chemin entre cette Afrique tourmentée et un continent européen inquiet des retombées de toute nouvelle déstabilisation dans une région déjà bouillonnante, l’Algérie est scrutée à travers des méthodes qui diffèrent selon les cultures et les mœurs politiques usitées chez chacun. Celle des américains est connue pour ne pas passer inaperçue et s’exercer sans s’embarrasser d’entourer leurs activités de discrétion. On le perçoit bien à travers les activités auxquelles se livre l’ambassadeur US à Alger dans sa quête d’informations sur l’échéance qui se profile.
Depuis la fin du mois de septembre dernier, il a ralenti le rythme de ses déplacements de découverte du territoire national (il est le premier ambassadeur américain à s’être rendu dans les camps de réfugiés sahraouis à Tindouf) pour se consacrer essentiellement à la situation politique en cours dans le pays. A l’heure où une grande opacité rendait difficile toute visibilité sur les intentions réelles du pouvoir concernant la prochaine élection, John Desroches multipliait les entrevues avec un maximum de personnes susceptibles d’apporter un éclairage sur la situation.
Les rencontres les plus importantes ont été rendues publiques, informant l’opinion que des discussions avaient eu lieu avec plusieurs acteurs politiques, les responsables de TAJ, du MSP, du FLN, du FFS et de Talaa El Hourriat. Certaines de ces entrevues ont suscité des interrogations et commentaires de la presse nationale. Ce fut particulièrement le cas lorsque Desrochers a sollicité un rendez-vous avec Amar Ghoul quelques heures seulement après que celui-ci eut annoncé son intention d’organiser une conférence pour le consensus national sous l’égide de Bouteflika.
Emboîtant le pas aux américains, les Britanniques ont visiblement décidé d’en faire de même. Un communiqué publié il y a quelques jours a annoncé qu’une rencontre avait eu lieu avec Ali Benflis et que le sujet de la présidentielle avait, entre autres, été débattu. D’autres consultations du même genre ont cependant eu lieu avec d’autres personnalités. Certaines informations indiquent enfin que candidats et acteurs de la vie politique algérienne ont été également sollicités par plusieurs ambassades en quête d’éclairage. Le procédé s’est étendu à un point tel qu’il a fini par irriter les autorités du pays lesquelles n’ont pas manqué de faire connaître leurs sentiments à travers des canaux spécifiques.
Plus expérimentés dans le dossier Algérie, les français ont vraisemblablement préféré entourer leurs activités d’une plus grande discrétion. Comme à chaque échéance importante que traverse le pays, des projections et scénarios susceptibles de se produire sont établis sur la base d’informations collectées. Des rencontres, peut-être moins médiatisées, se déroulent depuis un moment, des interrogations mêlées d’une certaine appréhension sont soulevées, Paris ne cache pas son inquiétude de devoir subir les contre-coups d’un débordement de colère s’il venait à survenir. La presse française a, quant à elle, plusieurs fois évoqué le risque d’un afflux important d’immigrés algériens.
La presse française, qui s’était mise aussi à cette hypothèse dernièrement, analyse à présent l’option du cinquième mandat sous tous ces aspects. Mais pas seulement. L’annonce de la candidature de Ali Ghediri suscite également de l’intérêt, des interrogations.
Une raison pour laquelle la diplomatie algérienne semble avoir décidé de frapper fort. Le MAE algérien a, en effet, entamé une tournée peu ordinaire. En l’espace d’une semaine, Abdelkader Messahel s’est rendu successivement en Finlande, au Danemark, en Suède, aux États-Unis, en Inde, et prévoit de poursuivre sa mission. Intervenant dans un contexte préélectoral, ces visites intensives auraient pour objectif d’expliquer l’enjeu du «cinquième mandat» et de la «continuité».
A. C.