Affaire Kamel Bouakkaz, Fodil Dob et Houari Boukhors : Renvoi du procès au 24 février et mise en liberté des prévenus

Salima Tlemcani, El Watan, 26 novembre 2018

Il y avait foule, hier matin, au tribunal de Sidi M’hamed, à Alger. De nombreux artistes, comme Kaci Tizi Ouzou, Ammi Boualem, Rmimez, pour ne citer que ceux-là, et bien d’autres acteurs et actrices, ainsi qu’un nombre impressionnant d’avocats ont envahi la salle d’audience en début de cette matinée où l’acteur Kamel Bouakkaz, l’ancien footballeur Fodil Dob, et Houari Boukhors, frère du blogueur Amir DZ, devaient comparaître, après un mois de détention pour, entre autres, «menace», «chantage», «atteinte à la vie privée», «diffamation» et «complicité dans la collecte et la diffusion d’informations protégées».

Dès 11h, la salle d’audience n’arrivait plus à contenir le nombre impressionnant d’avocats venus se constituer bénévolement pour défendre les mis en cause, qui font leur apparition dans le box, escortés par des policiers. Ils saluent la nombreuse assistance. Surprise, mais surtout impressionnée par le nombre important d’avocats, la jeune présidente du tribunal a ramené le calme.

Les prévenus continuent d’échanger les salutations avec la salle, poussant la présidente à réagir. «Ou vous arrêtez, ou je suspends l’audience, et elle reprendra uniquement avec vos avocats», lance-t-elle à l’adresse des prévenus qui s’excusent. La magistrate appelle les plaignants, l’animateur de télévision Sofiane Dani et le maire d’Alger-Centre, Abdelhakim Bettache.

Les deux sont représentés par leurs avocats. L’un de ces derniers se présente à la barre en disant : «Mon mandant, le maire d’Alger-Centre, a retiré sa plainte il y a deux jours.» La présidente réplique : «Il aurait fallu qu’il vienne lui-même pour nous le dire. Le tribunal doit entendre la partie civile et la présence des concernés est importante pour l’examen du dossier.

L’affaire est donc reportée au 24 février prochain.» Elle donne la parole aux avocats qui sont unanimes à réclamer la libération des prévenus. «La mise sous mandat de dépôt des mis en cause est en violation des articles 123 et 123 bis du code de procédure pénale, et de l’article 50 de la Constitution.

Ils présentent toutes les garanties pour être à la disposition de la justice. Eux-mêmes s’engagent à répondre à toute convocation du tribunal. L’instruction est achevée, ils sont là au service de la justice et les interdictions de quitter le territoire national dont ils font l’objet n’ont plus de raison d’être», déclare l’un des avocats.

Un autre lui emboîte le pas en disant : «Durant toute ma carrière, je n’ai jamais vu de personnes placées en détention provisoire pour ‘‘diffamation’’ ou pour ‘‘atteinte à la vie privée’’. J’ai l’espoir que le tribunal mette un terme à cette détention illégale.» De nombreux avocats succèdent devant le prétoire.

L’un d’eux évoque et de manière poignante la situation des trois détenus : «Hier, je leur ai rendu visite à la prison. J’ai vu Fodil Dob affaibli et très affecté. Il souffre de douleurs atroces dues à une hernie et le médecin de la prison a refusé de le soigner. Il le gave de paracétamol alors que son état nécessite une opération chirurgicale en urgence.

Sa place n’est pas en prison. J’ai vu aussi l’acteur Kamel Bouakkaz souffrir de la séparation de ses trois petites filles, qui ne vont plus à l’école depuis qu’il est en détention. Et j’ai vu Houari Boukhors malade pour avoir laissé seul son père âgé de 82 ans. Son seul tort est d’être le frère d’Amir DZ. Les trois ont besoin d’être dehors. Ils peuvent être jugés sans être en prison.

Donnez-leur cette chance de retrouver leurs familles.» Des propos qui donnent froid dans le dos aux âmes les plus insensibles. De l’émotion mêlée à de la compassion se lit sur tous les visages. Les prévenus ont du mal à cacher leurs larmes.

Le représentant du ministère public ne s’oppose pas à la liberté provisoire, et laisse cette mesure à l’appréciation de la présidente du tribunal, qui finit par lâcher : «Kamel Bouakkaz, Fodil Dob et Houari Boukhors sont remis en liberté provisoire en attendant leur jugement.» La salle d’audience s’enflamme avec des applaudissements, des youyous, des sifflements et des cris de joie. Les prévenus sont émus.

Certains éclatent en sanglots. Surpris, les policiers les évacuent. La salle commence à se vider. Le hall du tribunal n’arrive plus à contenir la foule. Des photos souvenirs et des cris de joie devant un service d’ordre médusé. Il a fallu attendre un long moment pour voir cette procession humaine quitter le tribunal.

Dehors, une foule compacte de jeunes attend

A l’annonce de la libération des trois prévenus, elle crie sa satisfaction. Tout le boulevard de la Liberté est paralysé. La circulation automobile est bloquée, alors que les passants écoutent étonnés les slogans en faveur des trois prévenus libérés.

Il est extrêmement rare que le tribunal de Sidi M’hamed soit le théâtre d’une manifestation de solidarité avec des détenus. Il est midi passé et le boulevard est toujours envahi par la foule, qui ne se dispersera qu’une heure plus tard…