Evénements de Ghardaïa en 2015: L’ONU qualifie la détention de Fekhar d’“arbitraire”

Liberté, 8 novembre 2018

Arrêté en juillet 2015 après les événements qui ont endeuillé la région de Ghardaïa, Kamel-Eddine Fekhar a été libéré deux ans plus tard. Le militant, médecin de profession, avait observé plusieurs grèves de la faim, dont la dernière avait duré plus de 100 jours.

Plus d’une année après sa libération, Kamel-Eddine Fekhar fait toujours parler de lui. La détention du militant mozabite était considérée par les Nations unies comme étant “arbitraire”.

C’est ce qu’indique un long rapport du groupe de travail relevant du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies. Dans ce document, daté d’avril 2017, l’organisation onusienne, qui a notamment énuméré les affres subies par le célèbre militant des droits de l’Homme de la Vallée du M’zab, a estimé que “les accusations portées par le gouvernement à l’encontre de M. Fekhar manquent de substance” et qui a conduit le groupe à “douter de l’équité de la procédure pénale” enclenchée par la justice algérienne.

Après des constats, le document précise que pour le groupe de travail des Nations unies, Kamel-Eddine Fekhar “est un ardent défenseur des droits de l’Homme et que c’est la véritable cause du harcèlement judiciaire dont il fait l’objet”. “En défendant les droits de ses concitoyens, y compris les membres de la minorité mozabite”, Kamel-Eddine Fekhar “ne fait qu’exercer ses droits tels que protégés par les articles
19 (liberté d’opinion et d’expression), 21 (liberté de réunion) et 22 (liberté d’association) du Pacte”, précise le groupe de travail des Nations unies pour qui la liberté de réunion “ne saurait couvrir la perpétration d’actes criminels”. Cependant, en l’espèce, “le gouvernement n’a pas su convaincre le groupe de travail qu’il y avait des raisons de croire que M. Fekhar pourrait être responsable de crimes survenus lors des manifestations ayant eu lieu à Ghardaïa en juillet 2015”. Avant de parvenir à ces conclusions, le groupe de travail des Nations unies a recueilli les appréciations des autorités algériennes.

Ainsi, le rapport précise que le gouvernement affirme que l’arrestation de M. Fekhar “est survenue après les émeutes de juillet 2015, à Ghardaïa, qui se sont accompagnées de divers actes de violence, de vandalisme, de l’instauration d’un climat de terreur au sein de la population et de la mort de plusieurs personnes. M. Fekhar aurait été arrêté, pour avoir été, avait-on justifié, l’un des organisateurs de ces émeutes et aurait incité à la commission des actes criminels susmentionnés. Son arrestation serait survenue dans le cadre d’une enquête sur la création d’un groupe ayant pour objet la commission de crimes et l’incitation à des actes allant à l’encontre de la sécurité de l’État et de l’unité nationale ainsi que l’atteinte à l’ordre public”.

Arrêté en juillet 2015 après les dramatiques événements qui ont endeuillé la région de Ghardaïa, Kamel-Eddine Fekhar a été libéré deux ans plus tard. Le militant, médecin de profession, avait observé plusieurs grèves de la faim, dont la dernière avait duré plus de 100 jours.

C’était sa manière de protester contre le retard pris pour son jugement. Sa détention avait suscité un élan de solidarité à l’échelle nationale et dans le monde entier. Après sa libération, l’ancien représentant de la Ligue algérienne de défense des droits l’Homme,  Laddh, à Ghardaïa, a repris son travail comme médecin dans sa ville natale. Mais il continue de lutter pour sa culture et pour le respect des droits de l’Homme, ainsi qu’en faveur de la libération d’un autre militant, Mohamed Baba-Bedjar, qui croupit en prison depuis quelques années déjà.

Ali Boukhlef