Diplomatie d’affaires : L’Algérie passe à l’offensive en Afrique de l’Ouest

Zine Cherfaoui, El Watan, 31 octobre 2018

Les hommes d’affaires algériens auront finalement tenu leur promesse, faite en 2016 à Alger, lors du Forum africain d’investissement et d’affaires, de permettre à l’Algérie d’exporter autre chose que du pétrole. Depuis cette date, de nombreux grands opérateurs nationaux, évoluant dans divers secteurs d’activités, ont en effet réussi à conquérir des parts de marché non négligeables au Mali, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, en Guinée et dernièrement en Mauritanie.

Les tout premiers capitaines d’industrie à avoir ouvert la voie du marché africain aux entreprises algériennes sont Condor et Iris, les leaders algériens de la téléphonie mobile et de l’électroménager. Ensuite une multitude de grands groupes spécialisés dans l’agroalimentaire, les télécommunications, la construction, l’industrie, l’énergie et les services leur ont emboîté le pas. Le mouvement a été facilité grâce à la bonne réputation de leurs produits en Afrique qui les a précédés et les missions de prospection effectuées sur le continent par le FCE ces deux dernières années. Cette percée dans ces pays connus traditionnellement pour être la chasse gardée des Occidentaux et de puissances économiques africaines émergentes, comme le Nigeria et le Maroc, n’a été toutefois rendue possible que grâce à l’important travail de «déblayage» accompli par l’ancien ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, et son successeur Abdelkader Messahel. Ces deux responsables ont toujours perçu le Sahel et l’Afrique de l’Ouest comme l’un des principaux débouchés pour les produits des entreprises algériennes.

Avant d’être nommé ministre des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel – qui a passé une partie de sa carrière diplomatique à plancher sur grands les dossiers africains – a beaucoup plaidé auprès du président Bouteflika la nécessité pour l’Algérie de se tourner davantage vers l’Afrique, arguant que l’avenir des entreprises algériennes était sur le continent et nulle part ailleurs. Aussi, une fois le feu vert présidentiel obtenu, a-t-il commencé à renforcer les liens entre l’Algérie et ses partenaires africains dans le but d’ouvrir la voie aux entreprises algériennes sur le continent.

Enjeux économiques

Le Forum africain d’investissement et d’affaires coorganisé par le Forum des chefs d’entreprise (FCE) et le ministère des Affaires étrangères en décembre 2016 à Alger, en dépit des cafouillages enregistrés, traduit en réalité une prise de conscience des autorités algériennes des enjeux économiques africains et de l’importance de la diplomatie économique. Il confirme aussi leur souci de (re)prendre pied dans ce qui constitue pour elles la profondeur stratégique de l’Algérie et de chercher de nouveaux relais de croissance. Les Algériens ont également compris, sur le tard mais ils l’ont compris quand même, que les attributs de puissance ne se limitent pas uniquement à la diplomatie et à l’armée.

C’est partant de ce constat que le gouvernement algérien s’est lancé dans une course pour rattraper le temps perdu. Une course qui est toutefois contrariée par la situation sécuritaire au Mali et au Niger qui empêche, pour le moment, d’exploiter toutes les possibilités économiques et commerciales que peuvent receler ces deux pays voisins. Pour contourner cet important écueil, les autorités algériennes semblent avoir décidé de miser sur la Mauritanie, un pays qu’elles connaissent bien et qui offre l’avantage de faire la jonction entre le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. Aussi, de nombreux départements ministériels, à l’instar du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, se sont activés ces derniers mois à faciliter au maximum les échanges commerciaux entre Alger et Nouakchott. Ce travail se traduira par l’ouverture récente d’un nouveau poste frontalier algéro-mauritanien à Tindouf, auquel a été affectée une unité polyvalente des Douanes algériennes.

Contrats juteux

Ce poste frontalier algéro-mauritanien inauguré en août dernier est présenté par les autorités algériennes comme «un apport très important aux relations de coopération bilatérale multiforme». Mieux, il est pour le moment la principale, sinon la seule porte d’entrée vers l’Afrique de l’Ouest pour les opérateurs algériens. Et ces derniers n’ont pas attendu longtemps pour en profiter, puisque que de nombreuses entreprises viennent de participer à la 4e édition de la Foire des produits algériens organisée du 23 au 29 octobre à Nouakchott.

Au cours de cet événement, de nombreux chefs d’entreprise ont conclu des contrats juteux. Les affaires ont tellement été bonnes qu’ils pensent déjà faire de la Mauritanie leur principal relais pour aller à la conquête des autres marchés du continent. Et pour les aider dans leur démarche, le président-directeur général (PDG) du groupe Logitrans, Boualem Kini, a affirmé, lundi, qu’il était parvenu à un accord de principe avec le ministère du Commerce et les différentes instances intervenant dans le secteur du commerce extérieur, pour la prise en charge des opérations de transport de marchandises algériennes vers la Mauritanie et les pays d’Afrique de l’Ouest. Il est certain que cette nouvelle ne manquera pas de convaincre d’autres hommes d’affaires de voir le Sahel et l’Afrique subsaharienne différemment.