Approvisionnement perturbé en matières premières: Les entreprises en rupture de stock

Liberté, 6 août 2018

Selon l’ONS, le déséquilibre entre la demande pour les matières premières et l’offre disponible a provoqué des ruptures de stock à plus de 64% de chefs d’entreprise du secteur public et à près de 40% de ceux du secteur privé.

Dans un contexte de crise économique, de forts déficits et de dérégulation du marché, le gouvernement a donné un tour de vis à sa politique d’importation, en espérant en réduire la voilure, et booster la production locale. Mais, c’était peine perdue. L’Exécutif a, en fait, perdu sur les deux tableaux : non seulement, il n’a pas réussi à faire baisser les importations, mais il n’a pas pu éviter aux entreprises une rupture de stock de la matière première, élément essentiel pour la mise en marche des installations de production. La réalité est là : des entreprises, aussi bien publiques que privées, sont effectivement confrontées à une situation de rupture de stock de la matière première, ainsi que le souligne une enquête conduite par l’Office national des statistiques (ONS) et dont les conclusions ont été rendues publiques hier via l’APS. L’étude explique que, concernant le niveau d’approvisionnement en matières premières, sur les trois premiers mois de 2018, il a été inférieur à la demande exprimée, selon plus de 34% des enquêtés du secteur public et près de 19% de ceux du privé. Et, fait important, le déséquilibre entre la demande pour la matière première et l’offre disponible a provoqué “des ruptures de stock pour plus de 64% de chefs d’entreprise du secteur public enquêtés et près de 40% de ceux du secteur privé”, ajoute l’étude. Il existe, évidemment, un lien de cause à effet entre ces ruptures de stock et la baisse de l’activité industrielle. L’enquête relève d’ailleurs que la “plupart des entreprises industrielles ont utilisé leurs capacités de production à moins de 75% au 1er trimestre 2018. Et que l’activité industrielle a connu une baisse au premier trimestre 2018, notamment pour les industries sidérurgiques, métalliques, mécaniques et électroniques (Ismmee), l’industrie chimique et les industries des bois”.
Les effets négatifs de la politique des importations sont également visibles dans certains secteurs productifs dont la demande a fortement augmenté. En effet, la demande en produits fabriqués a connu une hausse durant la période considérée. La hausse est plus prononcée dans les secteurs des matériaux de construction et de l’agroalimentaire, selon les chefs d’entreprises privées concernés par l’enquête de l’ONS. Plus de 66% des chefs d’entreprises du secteur public et 87% de ceux du privé ont satisfait toutes les commandes reçues. Cependant, il subsiste des stocks de produits fabriqués pour la majorité des concernés des deux secteurs, situation jugée “normale” par plus de 74% des intéressés du secteur public et par près de la moitié de ceux du privé.

Pression sur la trésorerie des entreprises 
Au chapitre emploi, les chefs d’entreprises enquêtés du secteur public ont déclaré une baisse de leurs effectifs, alors que ceux du secteur privé ont fait part d’une stabilité. Plus de 88% des enquêtés du secteur public et la majorité des enquêtés du secteur privé jugent le niveau de qualification du personnel “suffisant”. Par ailleurs, 74% des patrons des entreprises publiques et la plupart de ceux du privé pensent que même s’ils recrutaient du personnel supplémentaire, cela n’augmenterait pas davantage le volume de leur production actuelle.
En terme de recrutement de compétences, plus de 15% des enquêtés du secteur public et près de 40% de ceux du privé peinent à trouver du personnel d’encadrement et de maîtrise, fait savoir l’ONS. S’agissant de l’état de la trésorerie, il est jugé “bon” par 30% des chefs d’entreprises du secteur public et “normal”, selon la plupart de ceux du privé. En termes de financement, plus de 9% des enquêtés du secteur public et 13% de ceux du privé déclarent avoir eu recours à des crédits bancaires, dont la plupart ont affirmé ne pas avoir trouvé de difficultés à contracter ces prêts auprès des banques. Par ailleurs, les chefs d’entreprises des deux secteurs concernés par l’enquête ont affirmé que les charges élevées, le remboursement des emprunts et la rigidité des prix ont continué d’influer sur l’état de la trésorerie. Pour des raisons, essentiellement, de vétusté, près de 76% du potentiel de production du secteur public et près de 25% de celui du privé ont connu des pannes durant le même trimestre, engendrant des arrêts de travail allant jusqu’à 30 jours pour près de 38% pour les premiers et inférieurs à 13 jours pour la plupart des seconds. Près de 56% des enquêtés du secteur public et près de 27% de ceux du privé ont remis en marche leurs équipements après une panne, tandis que près de 73% des premiers ont procédé à des renouvellements et plus de la moitié des seconds à des extensions. La plupart des chefs d’entreprises du secteur public et près de 81% de ceux du privé déclarent pouvoir produire davantage en renouvelant leur équipement et sans embauche supplémentaire du personnel. En ce qui concerne l’approvisionnement en eau, il a été jugé “suffisant” par près de l’ensemble des enquêtés du secteur privé et par plus de 70% de ceux du public.

Youcef Salami