FFS : les clans s’entredéchirent

Le député Chafaâ Bouaïche suspendu de toute activité partisane

Liberté, 4 août 2018

La mesure prise à l’encontre du député est-elle annonciatrice d’une purge programmée ?

Le tonitruant député FFS de la wilaya de Béjaïa, Chafaâ Bouaïche, a été suspendu de toute activité partisane, en attendant d’être traduit devant la commission des conflits, a-t-on appris de source proche de la direction nationale du parti.
La décision de suspendre ce parlementaire a été prise mercredi dernier par le premier secrétaire national du parti, Mohamed Hadj Djilani, a-t-on ajouté, sans pour autant préciser les raisons qui ont motivé cette mesure conservatoire. Si certains observateurs de la scène politique locale estiment que cette suspension est liée aux dernières déclarations du député dénonçant quelques gros bonnets à Béjaïa, notamment ceux qu’il qualifie de “mafia du foncier et de l’immobilier”, d’autres militants politiques, plus proches du FFS, affirment que cette mesure s’inscrit dans le cadre d’une campagne de règlement de comptes entre les deux clans se disputant les commandes du parti après le décès de son président charismatique, Hocine Aït Ahmed, le 23 décembre 2015.
La crise larvée, qui couvait au sein de la direction nationale du parti, a éclaté au grand jour après la démission fracassante d’Ali Laskri, membre influent du présidium. Une démission qui ne manquera pas de provoquer une vive réaction de la base militante, ce qui a contraint la direction du parti à organiser un congrès extraordinaire, le 20 avril dernier, à Alger, à l’issue duquel, le clan d’Ali Laskri sort haut la main. Ce revirement de situation a accéléré la chute du clan adverse dirigé par les frères Bahloul, connus pour leur proximité avec la famille Aït Ahmed.
Après la destitution de Chafaâ Bouaïche de ses fonctions de président du groupe parlementaire, c’est au tour du fédéral de Béjaïa, Rachid Chabati, de subir les foudres de la direction du parti. 
Selon certaines indiscrétions, le député est en disgrâce avec les membres de l’actuel présidium depuis le mois d’avril passé, lorsqu’il a dénoncé la “bourde” commise par la direction du parti, en faisant l’impasse sur la commémoration du 31e anniversaire de l’assassinat d’Ali Mecili, tué le 7 avril 1987, à Paris.
Par ailleurs, on croit savoir que ce qui a accéléré sa suspension, ce sont ses derniers messages sur sa page facebook. En fait, la goutte qui a fait déborder le vase, affirme-t-on, serait son message publié la semaine écoulée, au lendemain de la fête de mariage d’un cadre du parti, Karim Natouri, un ancien élu APW, sacrifié lors des élections locales de novembre 2017  par le clan de Chafaâ Bouaïche. “Ils partagent un couscous avec la mafia du foncier et se disent militants !”, assène le parlementaire suspendu faisant allusion aux membres de la direction du FFS, dont le premier secrétaire, Hadj Djilani, et Ali Laskri qui étaient présents à cette fête. Une diatribe de trop qui lui aurait coûté une suspension. Pour les dissidents du FFS qui connaissent le fonctionnement interne du parti, ce parlementaire “encombrant” serait en passe d’être radié du FFS.
Réagissant à cette mesure, Chafaâ Bouaïche a posté sur sa page facebook : “Quand on décide de militer de manière organisée dans le cadre d’un système bloqué par la dictature de la médiocrité, la corruption, l’État de non-droit et la prime à l’allégeance, on prend forcément des risques. On se condamne à être la cible tantôt des nervis du système, tantôt des apparatchiks sans envergure qui en prolongent les nuisances. Mais être un vrai militant, c’est savoir le rester en toute circonstance : le FFS, son histoire, ses principes, ses idéaux et ses militants sont plus grands que tous les appareils de répression, d’où qu’ils viennent.” De son côté, le fils de Hocine Aït Ahmed, Jugurtha Aït Ahmed, a adressé un message de soutien à Chafaâ Bouaïche, dans lequel il a noté ceci : “Merci pour ton engagement exemplaire. Ton courage. Tu n’as rien à te reprocher, bien au contraire. Ta parole responsable et libre est incompatible avec la culture du caporalisme en marche sous nos yeux ébahis.”

K. O.

Voir: Que se passe-t-il au FFS?