Implications internationales dans l’affaire de la cocaïne d’Oran
L’Etat algérien dans le viseur de l’administration américaine ?
Mokrane Ait Ouarabi, El Watan, 14 juillet 2018
L’agence russe Sputnik dénonce «l’ambivalence» des autorités américaines dans leur lutte contre le fléau du trafic de la cocaïne. «Menacer de représailles l’Algérie en tant que pays, si la complicité de personnalités publiques était mise en évidence, serait totalement abusif», estime ce média russe.
La justice américaine semble s’intéresser de près à l’affaire des 701 kg de cocaïne saisis le 29 mai dernier à Oran. Selon des sources citées par le site d’information Algériepatriotique dans son édition du 12 juillet 2018, les autorités américaines prennent cette affaire très au sérieux.
«Cette affaire de cocaïne va avoir de graves conséquences pour les personnes impliquées, même indirectement», ont souligné ces mêmes sources, selon lesquelles «les Américains ne se sont pas déplacés à Alger juste pour s’informer – car ils ont les noms des vendeurs et des acheteurs ainsi que leurs réseaux – mais pour mettre en garde les autorités algériennes sur le fait que si parmi les personnes impliquées, il y aurait des officiels, cela aurait des conséquences sur l’Etat également».
Ne sont impliqués, pour le moment, dans cette affaire toujours en instruction, que les frères Chikhi. Mais elle pourrait donc avoir de graves conséquences sur l’Etat, si les autorités américaines venaient à découvrir la moindre implication de hauts responsables algériens, civils ou militaires.
Les sources d’Algériepatriotique ont évoqué «une loi aux Etats-Unis qui habilite différents organismes de sécurité dépendant de la CIA de poursuivre toute personne ou Etat qui utiliserait le dollar américain dans les transactions pour l’achat ou la vente de la cocaïne».
Les puissants services de renseignements américains peuvent donc obtenir, à travers leurs agents infiltrés dans les réseaux de trafics sud-américaines, les noms de toutes les personnes impliquées dans cette affaire. «Dorénavant, les personnes impliquées et leurs complices pourraient être inquiétés par la justice américaine et pourraient être arrêtés dans n’importe quel pays du monde pour être jugés aux Etats-Unis, car la loi américaine le permet», ont précisé ces sources visiblement bien informées à Algériepatriotique.
Faits troublants
Le site d’information Sputnik, proche du redoutable service de renseignement russe FSB, qui a repris Algériepatriotique, a évoqué l’ambivalence des autorités américaines dans leur lutte contre la cocaïne. «Que les Etats-Unis prennent à bras-le-corps cette affaire de cocaïne saisie en Algérie, dont l’ancien haut officier des services de renseignement de l’armée algérienne (…), est tout à fait louable.
Cependant, certains faits troublants dénotent de l’ambivalence des autorités américaines dans leur lutte contre le fléau du trafic de cocaïne, de drogue en général et du blanchiment d’argent sale qui en découle», a relevé ce média russe dans son édition du 12 juillet. Sputnik a rappelé comment l’argent de la cocaïne pouvait servir à renflouer les caisses des banques américaines en faillite après la crise financière de 2008.
Ce site d’information russe s’est référé à «un entretien d’Antonio Maria Costa, le chef du bureau des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC)», donné le 13 décembre 2009, au quotidien britannique The Observer, dans lequel il déclarait que «l’argent des cartels de la drogue était le seul capital d’investissement liquide accessible pour certaines banques au bord de la faillite lors de la crise financière internationale de 2008».
«Dans la deuxième moitié de l’année 2008, le manque de liquidités était le principal problème du système bancaire, et par conséquent le capital liquide est devenu un pion important», avait affirmé ce responsable onusien, soulignant que «352 milliards de dollars issus des profits de la drogue avaient été absorbés et injectés dans le système économique».
«Les prêts interbancaires ont été financés par de l’argent provenant du commerce de la drogue et d’autres activités illégales (…). Il y a eu des signes clairs que certaines banques auraient été sauvées de cette façon», avait-il ajouté, sans nommer les institutions bancaires mises en cause.
Wachovia
Mais, selon Sputnik, qui a interrogé ses archives, une enquête, publiée le 3 avril 2011 par le journal britannique The Observer, a révélé que «la somme d’argent provenant du trafic de drogue et blanchie par les banques s’élevait en fait à 378,4 milliards de dollars, l’équivalent d’un tiers du PIB du Mexique !
Plus grave encore, le journal a affirmé que cette somme d’argent faramineuse ne concernait qu’une seule banque : Wachovia, filiale de Wells Fargo, quatrième groupe bancaire américain».
Cette banque s’en tirera avec une simple «amende de 160 millions de dollars pour avoir autorisé des transactions liées au trafic de drogue et pour n’avoir pas contrôlé cet argent ayant financé le transport de 22 tonnes de cocaïne».
Le site russe ira encore plus loin en affirmant que si les autorités américaines veulent collaborer avec le gouvernement algérien «pour mettre au jour tous les tenants et les aboutissants de cette affaire pour le bien des deux pays, même s’il faut recourir à la sanction de hauts dignitaires de l’Etat s’ils s’avéraient être impliqués, est tout à fait normal».
Mais, a ajouté Sputnik, «menacer de représailles l’Algérie en tant que pays, si la complicité de personnalités publiques était mise en évidence, serait totalement abusif».
Cette agence russe invite les enquêteurs américains à «jeter un œil aux comptes de certaines banques américaines qui n’ont pas encore été sanctionnées, mais également de diriger leur regard vers leurs alliés du Golfe».