Les faits se sont déroulés en 2009: La France condamnée pour la mort d’un Algérien dans un commissariat
Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 23 juin 2018
La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a condamné la France à verser «30.000 euros pour dommage moral et 7.500 euros pour frais et dépens» à Annissa Semache, fille d’Ali Ziri, qui avait saisi en juin 2016 l’institution de justice qui siège à Strasbourg.
Le 9 juin 2009, Ali Ziri, 69 ans, arrivé en France en 1959, où il a travaillé pendant quarante ans comme manutentionnaire, et son ami Arezki K., 60 ans, sont arrêtés par la police lors d’un contrôle routier. Fort alcoolisé, le duo est transporté au commissariat d’Argenteuil (Val d’Oise), puis placé en garde à vue. L’interpellation est musclée : face aux deux sexagénaires vraisemblablement agités, les policiers appliquent durant plusieurs minutes la technique dite du pliage, pratique d’immobilisation qui consiste à contenir de force un individu en lui appuyant la tête et le thorax sur les genoux. Au poste de police, le retraité commence à vomir, mais reste sans soins, allongé et menotté au sol avec son ami. Deux heures plus tard, Ali Ziri est victime d’un arrêt cardiaque.
Il meurt à l’hôpital d’Argenteuil, le 11 juin 2009. Si une première autopsie imputera le décès à son alcoolémie et à des problèmes cardiaques, une contre-expertise révélera pourtant la présence de plus de vingt hématomes, certains larges de 17 cm. Si la CEDH a jugé que l’utilisation de la technique dite du pliage dans un véhicule de police, à destination du commissariat, «était justifiée et strictement proportionnée au but poursuivi», la Cour condamne «l’attitude générale et le comportement des policiers», selon l’avocat de la famille, Stéphane Maugendre. La juridiction européenne souligne notamment qu’Ali Ziri, «rudoyé lors de son arrestation», est «resté au commissariat d’Argenteuil sans assistance médicale dans des conditions lamentables durant une heure et quinze minutes.» Les sept juges de la CEDH estiment que la prise en charge de la victime dans ce commissariat caractérise «un manquement par l’État défendeur à l’obligation positive de prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie.». Pour les proches d’Ali Ziri, cette décision confirme la nécessité d’une interdiction définitive de certaines techniques d’interpellation. A ce propos, Omar Slaouti, porte-parole du collectif Vérité et justice pour Ali Ziri, s’est adressé au ministère français de l’Intérieur en lui demandant de «prendre ses responsabilités» et d’interdire ces techniques «qui sont responsables de la mort d’Adama Traoré ou de Lamine Dieng. Dans un communiqué de presse daté du 17 mars 2016, l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT) dénonçait une grande opacité entourant les violences policières. L’ACAT qui a enquêté sur 89 cas d’usage de la force par des policiers et gendarmes ayant entraîné des blessures graves ou des décès depuis 2005, s’interroge sur le nombre de personnes blessées ou tuées lors d’opérations des forces de sécurité. «Nous ne savons pas quelles armes sont utilisées, ni à quelle fréquence. Aucune donnée exhaustive n’est davantage publiée quant au nombre de plaintes déposées contre des agents des forces de l’ordre pour des faits de violences, ni quant au nombre ni au type de sanctions prises à la suite de tels faits», précise-t-elle.
L’ACAT rapporte qu’«à ce jour, seules 7 ont donné lieu à des condamnations judiciaires». Dans le dossier Ziri, une ordonnance de non-lieu a été rendue le 15 octobre 2012 en faveur des policiers concernés alors que Omar Slaouti demande à ce qu’ils «soient sanctionnés sur un plan administratif». Pour lui, le profil des victimes de violences policières «essentiellement arabes et noires» suggère clairement «qu’il y a un problème de racisme structurel dans la police en France». Rappelons que c’est la troisième fois en quelques semaines que la CEDH condamne la France dans des cas de violences policières remontant à une dizaine d’années.