Rédha Malek : « Il fallait bien arrêter l’ascension des islamistes »

Rédha Malek : « Il fallait bien arrêter l’ascension des islamistes »

Bouzid Abider, Le Matin, 11 janvier 2001

En janvier 1992, au moment où il a été décidé d’arrêter le processus
électoral, l’actuel président de l’Alliance nationale républicaine (ANR),
Rédha Malek, n’occupait aucun poste de responsabilité officiel au sein du
gouvernement. Cela ne l’a pas empêché cependant d’être l’un des plus
fervents opposants à l’accession du FIS au pouvoir.
Aujourd’hui, neuf ans plus tard, il est toujours convaincu d’avoir bien fait
de se ranger du côté des détracteurs de l’islamisme politique. Il reconnaît
même s’être ouvertement exprimé en faveur de l’annulation des résultats des
législatives de décembre 1991 qui allaient « faire de l’Algérie un second
Afghanistan », pour reprendre son expression. Certains d’ailleurs ne
manquent pas de faire le lien entre ses prises de position et sa nomination
en 1993 au poste de chef de gouvernement lorsque le terrorisme commençait à
constituer une sérieuse menace pour la pérennité même de l’Etat.
ses positions par rapport à la question ne datent pas, selon lui, de janvier
1991. Il n’y a qu’à revenir à la lecture de son livre tradition et
révolution (juin 1991) pour comprendre ses positions sur le sujet. Rédha
Malek avait vécu l’expérience des élections communales de juin 1990 et vu
comment le front islamique du salut (fis) avait remporté le suffrage haut la
main.
C’est là qu’il a compris que le phénomène de l’islamisme n’était pas une
simple invention des médias, mais plutôt une affaire qu’il fallait prendre
au sérieux au plus haut niveau. Profitant de l’état de « démobilisation dans
lequel se trouvait l’administration algérienne », le FIS s’est investi
maître de céans pour « manipuler et traficoter les élections en sa faveur ».
Quand le gouvernement de l’époque voulait passer aux législatives, Rédha
Malek dit avoir été parmi les premiers à le mettre en garde contre les
conséquences et la gravité d’une telle décision. L’Algérie n’était pas
prête, d’après lui, à vivre une autre expérience avec les élections. «
L’Etat était sur la défensive, pour ne pas dire inexistant », témoigne-t-il
aujourd’hui. Pour lui, « les notions de république, démocratie et nation
dans leur sens moderne vont ensemble ». Allant encore plus loin, il
considère que l’agrément du FIS était une erreur monumentale, car «
contraire aux principes de la Révolution de 1954 qui insiste sur le
caractère républicain de l’Etat algérien ». « La République algérienne n’est
pas tombée du ciel, elle a été arrachée grâce aux sacrifices de milliers
d’algériens. »
A ceux qui se demandent, après la mort de tant de citoyens et de dégâts
matériels causés à l’économie nationale, s’il n’aurait pas été plus
judicieux de laisser le FIS prendre le pouvoir, Rédha Malek leur renvoie la
même question : si, dans le cas contraire, on avait par malheur « cédé la
place aux islamistes » ? Il se dit certain qu’« il y aurait eu plus de morts
que les neuf ans de terrorisme ont faits ». Pis encore, « si l’on avait cédé
à la démagogie islamiste, l’Etat aurait tout simplement disparu ». Mais
l’Etat n’a-t-il pas fini par céder, étant donné que siègent dans l’actuel
gouvernement des ministres proches du parti dissous ? Cela ne veut nullement
dire, selon Rédha Malek, que les islamistes l’ont finalement remporté.
La présence de ministres de la mouvance islamiste dans un gouvernement où
son parti est présent ne le dérange pas outre mesure, à partir du moment où
« ils ont accepté de respecter les lois de la république ». Comme il était
contre l’accession du FIS au pouvoir en janvier 1992, il s’opposera toujours
à son retour. Pour cet ancien chef de gouvernement « l’histoire ne repasse
pas les plats. Le peuple algérien a fait sa révolution en 1954 et il n’y en
aura pas une seconde ».

 

 

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