A El-Alia, pour le 10ème anniversaire du retour de Boudiaf

A El-Alia, pour le 10ème anniversaire du retour de Boudiaf

La prière des «absents»

Mohamed Mehdi, Le Quotidien d’Oran, 17 janvier 2002

Seulement quelques dizaines de personnes étaient hier au cimetière d’El-Alia pour commémorer le retour de feu Mohamed Boudiaf, le 16 janvier 1992, venu prendre la tête du Haut Comité de l’Etat (HCE). Ils attendaient, sous une fine pluie, l’arrivée des membres de la famille du défunt et, éventuellement, celle des officiels.

A l’entrée du cimetière, les visiteurs étaient soumis à une fouille systématique de tout objet (cartables, sacs,…) qu’ils transportaient. Les véhicules n’étaient pas admis dans les proches environs du lieu de recueillement. Des hommes du GIS, arrivés en véhicules blindés, étaient accompagnés de chiens renifleurs. Ils arpentaient les alentours du carré des Martyrs, à la recherche de tout objet suspect. Même la gerbe de fleur, apportée par Mme Khiar de la Fondation Boudiaf, a été soigneusement examinée.

L’assistance était bien réduite. Les «absents» étaient visibles. Aucun parmi ceux, encore vivants, qui avaient accueilli, il y a dix ans, Mohamed Boudiaf à l’Aéroport Houari Boumediène, n’y était. Pas même ceux qu’on avait l’habitude de rencontrer, depuis 1993, au cimetière d’El-Alia à chaque 29 juin, date de l’assassinat de Boudiaf. Les compagnons du HCE, en l’occurrence MM. Ali Haroun, Rédha Malek, Ali Kafi et Khaled Nezzar, brillaient pas leur absence. Ni le chef de gouvernement de l’époque, Sid-Ahmed Ghozali, ni les hommes politiques qui se réclamaient publiquement de lui, comme Saïd Sadi, Sidi Saïd, Leila Aslaoui et autres Hachemi Chérif, ne sont venus. Ce sont surtout des anonymes qui sont venus marquer cette date avec Nacer Boudiaf (fils du défunt), Mohamed Larbi Abdelmoumène (ministre du Travail et de la Sécurité Sociale), Ahmed Mahsas (vieux compagnon de Boudiaf à l’OS), Tayeb Louh (président du syndicat national des magistrats algériens), Tarek Mira (député RCD), Ahmed Lakhdar Bensaïd (de la Coordination nationale des enfants de chouhada), Madjid Amirat, Djamila Khiar et Amine Benabderrahmane de la Fondation Mohamed Boudiaf…

La cérémonie de recueillement n’a pas duré plus de dix minutes. Elle a commencé dès l’arrivée, sous importante escorte, de Mme Fatiha Boudiaf. Nacer Boudiaf est resté, avec le docteur Madjid Amirat, franchement à l’écart de cette cérémonie. «Je ne cautionne plus la fondation», affirme Nacer. Pour lui, celle-ci a montré ses limites, s’empêchant de militer pour qu’éclate enfin la vérité sur l’assassinat de son père.

Nacer Boudiaf a commenté, avec amertume, l’absence très remarquée des ex-compagnons de son père au HCE : «leur seul principe est : «le roi est mort, vive le roi…». Et d’ajouter à l’adresse de ceux qui, à l’époque, avaient ramené son père : «ils ont sauvé leur République».

S’agissant des démarches qu’il entend entamer pour faire éclater la vérité sur l’assassinat de son père, Nacer Boudiaf se dit étonné que le chef de l’Etat «n’ait pas réagi à l’accusation portée contre son chef de cabinet», le général Larbi Belkheir. A ce propos, Nacer Boudiaf affirme avoir demandé, en vain, à Rédha Malek, d’être son témoin dans le procès qu’il affirme vouloir intenter, ici en Algérie, contre le directeur de cabinet de la présidence.

Quant à la cérémonie, elle fut bien courte et d’une tristesse que la grisaille d’une matinée pluvieuse n’a fait qu’accentuer.