Départ de 16 000 cadres de Sonatrach en 5 ans

Les causes d’une hémorragie

Liberté, 4 juin 2018

Sonatrach reconnaît enfin qu’elle connaît un grave problème lié au départ de 16 000 cadres entre retraite et départ vers d’autres compagnies étrangères en cinq ans. Son P-DG, Abdelmoumene Ould Kaddour, l’a relevé lors de sa visite jeudi à Hassi-Messaoud. Pour stopper cette hémorragie, Sonatrach envisage d’augmenter les salaires de la compagnie, a-t-il préconisé.
Cependant, il ne s’est pas prononcé   sur les causes de cette grande fuite des cadres   vers les compagnies étrangères. Ce n’est pas uniquement les salaires jugés trop bas par rapport aux concurrents qui sont à l’origine du phénomène. Il y a aussi des problèmes de gouvernance et de gestion de la ressource humaine. “On ne nous donne pas la liberté d’initiative. On tarde à prendre des décisions sur des projets majeurs”, confie un jeune cadre qui a quitté Sonatrach pour une des premières compagnies au monde. Derrière la fuite des cadres, il y a la marginalisation et les purges qui ont accompagné les changements de P-DG au cours de ces dernières années.

La situation a généré de l’inertie, une absence d’initiatives. “Plusieurs cadres compétents se tournent les pouces actuellement à Sonatrach”, confie un ancien responsable de la compagnie. Depuis 2010, Sonatrach a vu se succéder six P-DG, ce qui indique l’intrusion du politique dans le choix des top managers de la compagnie. Ce qui n’a pas été sans conséquences sur les résultats de Sonatrach puisque durant cette période la production de pétrole et de gaz a baissé de façon drastique. En un mot, l’hémorragie a entraîné une baisse de qualité du top management et du middle management de Sonatrach. Par ailleurs, suite aux départs massifs à la retraite, Sonatrach a connu un grave problème de relève. Ce qui aura forcément un impact sur sa stratégie à 2030 du point de vue humain. “Il faut préparer la relève cinq ans avant le départ à la retraite du cadre ou du responsable qui tient un poste stratégique au sein de la compagnie”, suggère Hasni, un ancien responsable à Sonatrach.

Le second point est la revalorisation des salaires pour mettre un terme aux disparités salariales. Le meilleur exemple est celui des groupements avec des associés de Sonatrach où le cadre de la compagnie voit son subalterne toucher dix fois plus que lui parce qu’il est expatrié. Ce réajustement salarial devrait être lié à la performance, au résultat. Sonatrach devrait donner des primes importantes à des ingénieurs qui contribuent notamment à la réalisation de découvertes ou à l’augmentation de production des installations ou qui apportent des solutions techniques qui puissent optimiser ou résoudre des problèmes d’exploitation de gisements. En termes de salaire, Sonatrach devrait avoir une politique liée comme les autres compagnies au résultat où le salaire variable en fonction de la performance, de l’atteinte des objectifs peut être important et où des bonus significatifs sont octroyés en cas de bénéfice. 

K. Remouche