Entretien avec Lisa Pelling, Secrétaire générale de l’Union Internationale des Jeunesses Socialistes

Entretien avec Lisa Pelling,
Secrétaire générale de l’Union Internationale des Jeunesses Socialistes

Propos recueillis par Chafik Benouna, algeria-watch, 26 juin 2001

Quel est l’objet de votre visite en Algérie ?

Nous sommes venus en Algérie pour essayer de comprendre la réalité algérienne. Ce que nous avons pu constater est que la situation est très complexe cependant nous pouvons faire quelques conclusions. La première conclusion est qu’il n y a pas de démocratie en Algérie. Depuis l’arrêt des élections en 1992, très peu de gens considèrent l’Algérie comme un pays démocratique. Ce que nous voyons nous, c’est une dictature avec une façade démocratique. La deuxième chose, l’Algérie souffre depuis dix ans d’une violence terrible sans comparaison avec ce qui se passe dans le monde, mis à part le génocide au Rwanda. Il y a plus de personnes tuées en Algérie ces dernières dix années qu’en Yougoslavie ou pendant la guerre du golfe etc…
Même si la situation est très complexe, nous pouvons établir que le responsable de cette violence est le gouvernement et le pouvoir. Nous donnons raison aux étudiants, aux manifestants de Kabylie et des autres régions du pays qui crient :  » Pouvoir assassin « . Pourquoi pouvons nous dire cela ? Parce qu’il y a des preuves que le pouvoir a tué des gens en Kabylie où il y a eu plus de 60 morts mais aussi parce que tout Etat est responsable de la protection de la vie de ses citoyens. Et le pouvoir n’a pas réussi à le faire pendant ces dix dernières années. Il est temps que la communauté internationale reconnaisse ce fait.

Par ailleurs, l’autre objet de notre visite est l’évaluation de notre participation au prochain festival mondial de la jeunesse qui doit avoir lieu à Alger.

Justement, allez vous vous participer, en tant qu’organisation de jeunes, à ce festival mondial de la jeunesse ?

La décision qui a été prise par le présidium de la IUSY était d’envoyer deux membres du présidium en tant qu’observateurs. Nous avons même été invités à participer au comité international préparatoire qui aété installé il y a quelques jours. Nous avons refusé cette invitation pour ne pas être complice de ce festival. Nous savons bien que nous ne pouvons influer ni sur le programme, ni sur le cadre général du festival. Après les événements qui ont eu lieu Kabylie, nous sommes en train de réévaluer notre position. Nous avons eu des réunions durant notre séjour en Algérie avec l’opposition, avec le FFS, l’association RAJ, des avocats, des défenseurs des droits de l’Homme, des étudiants et des journalistes mais aussi avec L’UNJA [Union nationale des jeunes algériens] et L’UNEA [Union nationale des étudiants algériens] . Notre impression après ces réunions n’est pas très favorable pour la participation de la IUSY à ce festival. Parce que nous avons constaté que l’image présentée par L’UNJA et L’UNEA est en décalage avec la réalité algérienne. Mais la décision finale sera prise lors de la réunion du présidium qui aura lieu à la fin du mois de juin.

Nous déciderons de notre non participation où d’un boycott actif de ce festival.

Lors de votre séjour vous avez eu différentes rencontres. Quel constat faites vous de la situation et que pensez vous de l’attitude de la communauté internationale vis à vis de ce qui se passe en Algérie ?

Je pense qu’il est clair que la communauté internationale est restée trop longtemps complice de la situation, notamment concernant l’impunité des responsables de la violence. Nous pouvons établir clairement que la responsabilité de la violence incombe au pouvoir. Parce que d’une part le pouvoir a commis des actes de violence et d’autre part c’est ce même pouvoir qui a provoqué la violence avec sa politique anti démocratique. Enfin, le pouvoir n’a pas réussi à protéger les citoyens. La communauté internationale, notamment l’Union Européenne, a mené durant ces dix années, une stratégie de protection du régime algérien dans le but de protéger ses intérêtséconomiques. La communauté internationale a tout fait pour contenir l’islamisme au lieu de favoriser et d’aider la démocratisation et le respect des droits de l’Homme.

Nous avons l’impression que le régime algérien écoute deux choses. La première, c’est le soulèvement populaire. Nous avons constaté qu’après les événements de Kabylie le pouvoir a fait quelques concessions. La deuxième, c’est la communauté internationale. C’est pour cela que dans le cadre de l’accord d’association avec l’Union européenne, il faut que celle ci change sa stratégie vis à vis de l’Algérie.

Quelle pourrait être l’influence de la IUSY au sein la communauté internationale ?

Nous sommes une structure de l’Internationale Socialiste et L’IS est la plus grande organisation démocratique de partis politiques dans le monde. Nous avons la majorité dans le Parlement Européen. Il est certain que l’Internationale Socialiste est un acteur qui a beaucoup d’influence dans les relations entre l’Union Européenne et l’Algérie. Et la IUSY est membre du présidium de l’IS. Lorsque le conseil mondial de l’IS se réunira à la fin juin, nous serons bien sûr présents avec nos impressions de notre visite en Algérie et nous espérons influencer sur l’attitude et même sur la politique des partis de l’Internationale Socialiste.

 

 

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