Maghnia, JI 270900
Maghnia, 600 Africains parqués dans un souk el-fellah
600 Africains candidats à l’émigration clandestine, qui ont épuisé toutes leurs ressources financières, se trouvent bloqués à Maghnia, où les autorités n’ont pas trouvé mieux que de les parquer dans le souk el-fellah de la ville, en attendant une solution à ce problème plus humanitaire qu’autre chose. L’archevêque d’Oran aurait rendu discrètement visite à ces émigrants d’origines ghanéenne, guinéenne, malienne, sénégalaise, béninoise, nigérienne et nigériane. Il devait constater la situation déplorable qu’ils vivent.
Layadi El-Amine, Le Jeune Indépendant, 27 septembre 2000
Le phénomène de la migration des Africains à travers les frontières ouest du pays, où les pistes et reliefs du territoire frontalier sont préférés, connaît ces derniers mois un développement alarmant. D’autant que le passage vers l’Europe via le Maroc semble devenu hermétique, ce qui rend plus dramatique la situation des prétendants qui épuisent parfois jusqu’aux délais d’expiration de leurs documents de voyage en leur possession. Ne pouvant ni aller de l’avant ni faire le chemin inverse et entreprendre un retour de plusieurs milliers de kilomètres, ils se trouvent livrés à eux-mêmes, sans argent et surtout en défaut avec les lois du pays. Les places publiques de la ville de Maghnia sont devenues un refuge privilégié pour ces immigrants de multiples nationalités. Après avoir épuisé toutes leurs ressources financières, ces grands rêveurs de l’Occident se sont transformés en véritables «misérables», laissant apparaître des signes d’angoisse et de souffrance sur leurs visages.
Ils sont aisément repérables dans cette ville où ils circulent en groupe, à travers les quartiers et ruelles de Maghnia tout au long de la journée. Cette errance obligée a pour but d’attirer l’attention de quelques âmes charitables qui leur donneront une baguette de pain, un sachet de lait ou quelques cigarettes.
Le voyage de tous les risques Pour en arriver là, ces clandestins africains ont dû suivre un itinéraire et des haltes qui sont dignes des films d’horreur. En effet, ils reçoivent des visas touristiques d’une période de trois mois. Après l’accès au territoire algérien, ils choisissent l’un des itinéraires les plus accessibles à leurs yeux : soit qu’ils se dirigent vers Alger la capitale, dans le but d’avoir un visa pour l’Espagne avec tous les moyens et méthodes et quel qu’en soit le prix, soit ils s’orientent vers l’une des villes côtières qui disposent d’un port et qui assurent des liaisons maritimes vers l’Europe. La plupart d’entre eux utilisent la méthode des «haraga» en contrepartie de sommes importantes en devises, tout en prenant le risque d’être arrêtés et refoulés vers leur pays d’origine. Tandis que la troisième méthode, qui comporte plus de risques, et qui peut facilement être qualifiée de tentative de suicide, consiste à s’orienter vers les frontières ouest de l’Algérie, plus précisément la ville de Maghnia, distante des frontières marocaines de 12 kilomètres seulement. Par sa position géographique, Maghnia est devenue malgré elle une étape clé de la longue traversée du désert. Sur place, les contacts se nouent dans certains hôtels avec les réseaux spécialisés dans le passage des candidats à l’émigration vers l’Europe, notamment vers l’Espagne. Une activité lucrative qui rapporte des sommes conséquentes à ces réseaux, généralement composés de chômeurs. Les clandestins devront débourser chacun entre 1 000 et 3 000 FF pour prétendre à leurs services. Les passeurs algériens ont des relations très soudées avec les réseaux marocains, plus denses de l’autre côté de la frontière. Les localités frontalières de Akid Lotfi, Boukanoune et les villages El-Zriga, El-Souani, Boujnane sont les passages les plus fluides vers le Maroc, à travers des pistes et reliefs très dangereux et meurtriers parfois. Une fois le territoire voisin atteint, c’est une autre étape qui commence et c’est une autre équipe de passeurs qui prend en charge le voyage «suicidaire». Le choix se posera entre deux destinations : les présides espagnoles de Melilla, plus proche de notre frontière, et Ceuta, à proximité du détroit de Gibraltar. Il y aura bien sûr le risque de se voir appréhendé par les gardes-frontières avant de se retrouver sur la rive méditerranéenne face à l’Espagne. Pour les plus chanceux qui y parviennent, ils ont le choix d’essayer de régulariser leur situation avec le concours des associations caritatives ou humanitaires. Sinon, la seule alternative qui reste est d’affronter la mer avec les fameuses «pateras», des petites embarcations qui, non conçues pour ce genre d’entreprise, ne terminent pas souvent leur traversée. De nombreuses noyades sont régulièrement signalées comme d’ailleurs la saisie des barques et l’arrestation de leurs occupants.
Le «point final»
Mais, bien avant, dès l’arrivée au Maroc, ils se trouvent exposés au vol, à l’escroquerie quand ce n’est pas aux agressions tout court. Des bandes spécialisées tenteront de leur faire croire qu’ils sont en mesure de les faire passer sur le Vieux Continent. Ceux qui se laisseront prendre au piège se verront attirés dans des lieux isolés et dépossédés de leurs devises.
Vendredi passé, dans la nuit, la garde royale des frontières marocaines a arrêté 29 candidats à l’immigration clandestine au port de Boussa, à quelques kilomètres de Tanger, sur un zodiac muni d’un moteur de 25 chevaux. Ses occupants étaient de nationalités sénégalaise, sierra-leonaise et nigériane.
Le groupe parti de Maghnia a été arrêté par la Gendarmerie royale et présenté devant la justice à la fin de l’enquête. Ainsi, la majorité des Africains se font arrêter ces derniers temps par les services de sécurité marocains qui, dit-on, ont été instruits à l’effet de se comporter fermement avec les immigrants africains «qui constituent un danger réel pour la nation marocaine». Les personnes arrêtées seront systématiquement reconduites vers les frontières algériennes.