Le pays est poussé «vers l’irréparable»

Taleb-Ibrahimi, Ali Yahia et Benyellès mettent en garde

Le pays est poussé «vers l’irréparable»

Par Mohamed Zaâf, Le Jeune Indépendant, 17 juin 2001

Trois personnalités nationales, le Dr Ahmed Taleb-Ibrahimi, Me Ali Yahia Abdenour et le général à la retraite Rachid Benyellès ont dénoncé les pyromanes qui, pour «se maintenir» au pouvoir, «s’obstinent à refuser le changement», estimant que «seul un pouvoir ayant une légitimité indiscutable» est en mesure d’approcher la solution, c’est-à-dire réussir «l’instauration d’un régime démocratique véritable». «Seul un pouvoir ayant une légitimité indiscutable et des dirigeants bénéficiant de la confiance des électeurs, sont en mesure de mener à bien les changements qui s’imposent et redonner aux Algériens l’espoir en leur avenir commun», affirment les trois hommes dans un communiqué commun rendu public hier, à la suite des émeutes en série dont diverses villes du pays ont été le théâtre et dont Alger s’était fait le relais jeudi dernier. Les émeutes qui gagnent en espace «prennent une tournure des plus inquiétantes. Le nombre de victimes ne cesse d’augmenter et le chaos de s’amplifier», relève le texte. En face, «totalement démissionnaire, l’Etat a fui ses responsabilités politiques, enfermant la population et les forces de l’ordre dans un face-à-face qui entretient la tension et provoque des confrontations sanglantes», constatent-ils encore.

Pour les trois signataires, c’est le chef de l’Etat qui porte «l’entière responsabilité» des dégâts humains et matériels et «du chaos et de l’anarchie qui s’installent dans le pays» car il «n’a su ni comprendre la colère de ses concitoyens ni prendre les décisions pourtant évidentes que les circonstances lui dictaient». Ainsi est-il reproché au président son «silence et son immobilisme». Une attitude qui, selon eux, «aura laissé la situation se détériorer chaque jour davantage» et dont «il doit en assumer toutes les conséquences avant qu’il ne soit trop tard». «L’heure est grave et le péril pressant», l’Algérie se trouve «menacée d’éclatement et son unité nationale est en jeu», met en garde le texte qui s’attaque sans les désigner à «ceux qui s’obstinent à refuser le changement en exacerbant les facteurs de division pour se maintenir au pouvoir». Ceux qui «jouent avec le feu doivent savoir qu’ils sont en train de pousser le pays vers l’irréparable, l’histoire ne le leur pardonnera pas», lance-t-il en direction de ces mystérieuses forces. Quant aux Algériens qui tous, affirme le document, sont les «citoyens d’un seul et même pays, quels que soient leur ori gine et leur milieu socioculturel», donc «concernés par le destin de l’Algérie», ils doivent, tout en restant mobilisés, «éviter de recourir à la violence et à la destruction (…) pour exprimer leur aspiration légitime à un Etat respectueux des droits de l’homme et des libertés publiques». Pour les trois personnalités, la crise que le pays vit depuis la tragédie d’octobre 1988 ne pourra trouver son règlement que dans «l’instauration d’un régime démocratique véritable». «Seul un pouvoir ayant une légitimité indiscutable, et des dirigeants bénéficiant de la confiance des électeurs, sont en mesure de mener à bien les changements qui s’imposent et redonner aux Algériens l’espoir en leur avenir commun», considèrent-ils. Le Dr Taleb-Ibrahimi, Me Ali Yahia Abdenour et le général Rachid Benyellès, trois personnalités connues pour leur haute moralité, ont une chose en commun : ils ont choisi, chacun de son côté, à des moments différents, de quitter le pouvoir lorsque sa démarche ne cadrait plus avec leurs convictions. Tous trois ont continué néanmoins à exprimer haut leurs positions aussi bien sur la question des libertés que sur les événements politiques qui marquent le pays, particulièrement depuis l’avènement du pluralisme.

 

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