Le général-major Fodhil-Chérif à propos des groupes armés
Le général-major Fodhil-Chérif à propos des groupes armés
«Nous les poursuivrons jusquau bout»
Saïd. M., Quotidien d’Oran, 10 février 2002
Le chef de la 1ère région militaire, le général-major Fodhil-Chérif a tenu hier à Blida, une conférence de presse. A cette occasion, lofficier supérieur est revenu sur les circonstances de la liquidation du chef présumé du GIA, Antar Zouabri abattu vendredi dernier dans une maison près du stade de Boufarik.
«Cest le plus grand criminel que lhistoire de lAlgérie ait jamais connue qui vient de tomber», a déclaré le général-major. Durant les vingt minutes qua pris la conférence de presse, le général-major a été affirmatif: «tous les indices que nous avons en notre possession indiquent quil sagit bien de Antar Zouabri», a-t-il précisé. «Nos services de sécurité que je salue ont neutralisé un sanguinaire qui navait ni foi ni loi. Si ce nétait lobligation de service, il ne mérite même pas quon parle de lui», a ajouté le commandant de la 1ère région militaire. «Cet animal a commis les crimes les plus odieux et les plus inimaginables» a-t-il poursuivi. A une question relative à lidentification du chef terroriste par sa famille, le conférencier a indiqué quil nétait pas besoin pour sa famille de le reconnaître. «Les indices sont affirmatifs!», a-t-il dit. Lidentification, a-t-il ajouté, a été faite par danciens membres du GIA avant dêtre confirmée par les empreintes digitales. «Cest une victoire du peuple algérien et de tous ceux qui participent à la lutte antiterroriste» a ajouté le général-major. Sur la situation sécuritaire, lofficier supérieur reviendra sur le déploiement que connaissent certaines régions comme Boumerdès, Bouira, Bordj Bou-Arréridj, Médéa et Aïn Defla. Des opérations de ratissage, a-t-il précisé, y ont lieu pour prévenir toute incursion et pour intercepter les groupes qui y sont abrités.
Sur le temps qui sest écoulé entre lopération de vendredi et lannonce de linformation, le général-major a déclaré: «pour des raisons techniques, nous ne voulions pas donner linformation. Nos services ont vérifié tous les indices avant de faire leur rapport au commandement». Enfin, à propos des informations contradictoires qui ont circulé pendant six ans sur la mort du sanguinaire, le commandant de la 1ère région dira: «avant aujourdhui, nous navons à aucun moment confirmé sa mort».
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Médias et gestion de linformation sécuritaire
La dernière mort du «boucher de Boufarik»
Noureddine Azzouz, Quotidien d’Oran, 10 février 2002
Antar Zouabri emportera dans sa tombe linformation sécuritaire: un certain traitement de linformation sécuritaire, plus précisément. Pendant six ans, plusieurs titres de presse – présumés spécialistes – nont cessé dannoncer la liquidation du «boucher de Boufarik».
Avant la confirmation de sa mort, hier, par le général-major Fodhil-Chérif, mettant définitivement fin au feuilleton Zouabri, le chef présumé du GIA, alias Abou Talha, est mort plusieurs fois sous la plume de journalistes convaincus de leurs sources. La première fois, cétait lors du pilonnage par larmée du maquis de Tala Acha en 1998. Une confidence dun officier sur linterception, à lépoque, par les unités antiterroristes dun échange téléphonique par GSM entre deux éléments du GIA sur la destruction dune casemate abritant Zouabri, a pris lallure dun communiqué officiel annonçant sa liquidation. La seconde «mort» du tueur a été reconfirmée à la même époque, après limposant ratissage des unités combinées à Attatba, non loin du lieudit Tombeau de la Chrétienne, dans la wilaya de Tipaza. Cette opération qui sest déroulée dans le pré-carré du GIA, limportance des moyens qui y ont été déployés, le nombre de terroristes interceptés, ont, par une mystérieuse accumulation dhypothèses (jamais vérifiées), fait conclure à la mise hors-jeu de Zouabri. Sans que, pour lhistoire, les autorités chargées de la lutte antiterroriste aient jamais confirmé ni infirmé cette mort ! Hier, lors de sa conférence de presse à Blida, le général-major Fodhil-Chérif a eu, à ce propos, une phrase terrible: «Je défie quiconque, a-t-il dit, de prouver que nous avons confirmé quoi que ce soit par le passé à propos de la mort de ce monstre. Mais aujourdhui, jengage ma personne et ma qualité dofficier: il est fini». Et le fait que le «boucher de Boufarik» ait été enfin tué indique, par rétrospection, la minceur de cette frontière redoutable qui existe, chez certains, entre linformation sécuritaire pure et la rumeur. Ou encore la propagande, tout simplement.
Au point, il faut le rappeler, que bon nombre dobservateurs, pourtant avertis, ont, ces dernières années, préféré abandonner lhypothèse dune résurrection permanente du sinistre personnage au profit dune autre plus confortable: celle dun mythe Antar Zouabri, que les desperados du GIA faisaient sans cesse survivre en utilisant son patronyme comme nom de guerre.
Pour ne pas compliquer la victoire des services de sécurité, la «dernière mort» de Zouabri oblige les professionnels des médias à un véritable débat sur les rapports que la profession doit avoir en temps de conflit meurtrier. Les journalistes ont, aujourdhui, suffisamment de recul et sans doute bien des atouts pour laborder sereinement. Lhistoire se chargera du reste… Sur un plan strictement sécuritaire, elle lève cette grande hypothèque qui pesait, par la faute de la désinformation, sur des services de sécurité sévèrement impliqués dans les coups les plus tordus: désormais, tout le monde sait que, si les massacres se sont poursuivis dans lAlgérois, cest pour une part à cause du fait que le numéro 1 du GIA -»le plus grand criminel de lhistoire», dira de lui le général-major Fodhil-Chérif – courait toujours dans la Mitidja. Même si le débat sur lefficacité de la politique sécuritaire en vigueur depuis 1992 demeure posé, la mort tardive du chef présumé du GIA indique les difficultés auxquelles les services de sécurité ont fait face dans leur lutte contre des machines à tuer. Et, sur le terrain, ils ont affaire aujourdhui à un puzzle sans cesse recomposé.