Les collectivités locales, l’autre bourbier du multipartisme politique

Les collectivités locales, l’autre bourbier du multipartisme politique

Par Aniss Zineddine, La Tribune, 24 juillet 2001

La poursuite de la révolte populaire en divers endroits du pays a pour effet immédiat de rendre davantage manifestes les tares nombreuses du système politique algérien. Il en va ainsi des collectivités locales dont le fonctionnement et la gestion sont actuellement fortement décriés partout par la population.Le problème des communes n’est pas nouveau, en témoignent les événements, l’année dernière, de Sidi Bel Abbès. Sauf que, cette fois-ci, la révolte de la population semble avoir atteint un point de non-retour qui, assurément, appelle des réformes de fond de ces institutions bourbiers. Le bilan des communes algériennes depuis le début des années quatre-vingt-dix est des plus effroyables. L’épisode des délégations exécutives communales (DEC) chargées de combler le vide laissé suite à la destitution des anciens élus locaux de l’ex-FIS a précipité la mise à genoux des communes. Peu de communes auront vraiment échappé au brigandage et à la prédation économique. La montée en puissance du phénomène du terrorisme durant toutes ces années a fait passer le problème des communes au second plan, jetant ainsi un immense voile d’impunité sur l’illégal et le criminel. Pas un secteur n’a échappé à la pratique mafieuse, qu’il s’agisse du foncier, de l’habitat, des services ou de l’emploi. La fraude massive qui a caractérisé les élections locales de 1997 finira par achever complètement les communes et balayé le peu de crédibilité dont l’Etat pouvait encore se targuer d’avoir gardé. De 1997 à nos jours, les collectivités locales seront encore et toujours la proie des mêmes pratiques que celles observées durant les années de plomb. Les conséquences sont, en tout cas, là aujourd’hui : surendettées, les communes ont laissé en rade pratiquement toutes les demandes formulées par la société depuis 1988. Traînant un passif des plus lourds à propos duquel, d’ailleurs, l’Etat ne fera pas grand-chose pour alléger, les collectivités locales s’avéreront être, avec la force des choses, un véritable bourbier pour les partis et le multipartisme. Cela, davantage, eu égard au fait que les élus des partis, quelle que soit leur tendance, n’ont jamais réellement eu accès à la gestion directe. Celle-ci étant, bien entendu, restée, à ce jour, l’apanage de l’exécutif et de ses services. Existait-il meilleur moyen pour discréditer les partis et le multipartisme. Certainement pas. Le fait est là, nombreux ont été, ces derniers temps, les citoyens qui se sont retournés contre les élus et les partis. Et sans aucun doute, en bien des cas, les querelles entre élus qui, bien souvent, ont entraîné le blocage des communes (phénomène du retrait de confiance) ne peuvent être perçues que comme la conséquence logique d’un système de lois inhérentes aux collectivités locales non seulement vicieux mais, pour le moins, complètement incompatible et ignorant des règles basiques de la gestion transparente et démocratique. Car, apparaît-il, bien au-delà de la problématique de l’utilisation des deniers publics qui se pose aujourd’hui dans le cas des collectivités locales, le fond du problème est de savoir ce qui est envisagé pour permettre aux partis et à la société civile et, à travers eux, aux citoyens de se poser réellement comme des acteurs directs dans le contrôle et la gestion des affaires de la cité.