Une colère pour deux causes en Algérie

Une colère pour deux causes en Algérie

Manifestations hier pour la presse et la Kabylie, à Alger et à Oran

 

Florence Aubenas, Libération, 29 mai 2001

E n Algérie, les protestations se multiplient et, dans chacune d’elles, résonne désormais la colère en Kabylie. Hier, à Alger et à Oran, la journée devait pourtant être celle de la presse. Contre le durcissement prévu des lois sur les médias, vingt et un quotidiens ont en effet refusé de paraître tandis qu’environ un millier de personnes à Alger, et près de 5 000 à Oran, ont tenu un sit-in. Votée à la mi-mai par les partis au pouvoir à l’Assemblée (FLN, RND), cette réforme du code pénal prévoit un net alourdissement des peines contre les journaux reconnus coupables de publications «calomnieuses, insultantes et diffamatoires» envers le président de la République. Avant même d’être élu, Abdelaziz Bouteflika avait déjà prononcé sa sentence contre les journalistes: «Des commères de hammam.» Si la réforme est approuvée par le Conseil de la nation, les peines iront jusqu’à 2,5 millions de dinars (250 000 francs, l’équivalent de 2,5 millions de francs en pouvoir d’achat) d’amende pour les publications et à un an de prison pour les journalistes. «Chacun sait ici comment fonctionne la justice, dénonçait hier un journaliste algérien, joint par téléphone. En deux procès commandités, le pouvoir pourra tuer n’importe quel journal.» Dans la capitale, des hommes politiques comme Mouloud Hamrouche, Ahmed Djeddaï (FFS, opposition) ou Saïd Sadi (RCD, ex-coalition au pouvoir) participaient au rassemblement.

Mais dans la foulée de ces deux sit-in en faveur de la presse, le même mouvement s’est produit tant à Alger qu’à Oran. Par centaines, des manifestants sont partis pacifiquement en marche improvisée. Aux cris de «code pénal à la poubelle!», ont succédé «pas de pardon en Kabylie!», «Algérois (Oranais), réveille-toi!» ou «si vous voulez la guerre, on n’a pas peur». Pendant ce temps, à l’université de Bouzaréah, sur les hauteurs d’Alger, des étudiants qui tentaient de former leur propre cortège sous la banderole «Pouvoir assassin» étaient violemment repoussés par la police, puis poursuivis et tabassés à l’intérieur de la faculté.

Un peu partout, la situation se fait ainsi plus tendue, virant à l’émeute dès que les défilés sont réprimés. C’est le cas depuis deux jours dans la région de Boumerdès, entre Alger et la Kabylie. Des affrontements au corps à corps entre les gendarmes et des étudiants ont mis la ville des Issers en état de siège. La population s’est mise à brûler des pneus et à se rassembler devant la gendarmerie. La Kabylie, elle, entre dans son quarantième jour d’émeutes.

 

 

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