Bouteflika et l’armée: une cohabitation laborieuse

Bouteflika et l’armée: une cohabitation laborieuse

Tarik Rezzak, Algeria-Interface

Alger, 15/11/00 – Le commandement de l’armée, dont l’ossature est inchangée depuis l’arrêt du processus électoral et le départ du président Chadli Bendjedid en janvier 1992, conserve une forte emprise sur tous les secteurs d’activité du pays. Les principaux généraux, qu’ils soient en activité ou à la retraite pèsent toujours de tout leur poids sur les centres de décision. S’ils ont concédé une relative marge de manœuvre au président Bouteflika dans le secteur civil (administration, affaires étrangères et économie), ils n’entendent pas lâcher du lest au sujet de l’armée qu’ils considèrent comme un domaine réservé.

Abdelaziz Bouteflika, fin connaisseur du système et habile manœuvrier, sait que son autorité sera constamment amoindrie s’il n’étend pas l’exercice de son pouvoir. En 1994, déjà, les « décideurs » le destinaient à devenir « président de l’Etat » à l’issue d’une conférence nationale. Une pierre d’achoppement avait fait capoter le projet: les pleins pouvoirs sur l’armée que demandait le candidat à la cooptation. Aujourd’hui, après avoir rappelé publiquement et à maintes reprises qu’il était le chef suprême des forces armées, Abdelaziz Bouteflika semble être finalement passé l’offensive.

En juillet dernier, le général de corps d’armée et chef d’état major de l’Armée nationale populaire Mohamed Lamari lui a transmis ses propositions pour des promotions à diverses fonctions au ministère de la défense. Le général Mohamed Zenakhri est proposé au poste de secrétaire général et le général Ahmed Senhadji, attaché de défense à l’ambassade d’Algérie en France, à celui de directeur central de la santé militaire. Le président Bouteflika y met sa touche, juste avant de s’envoler pour le sommet du millénaire à New York. Il remplace le général Zenakhri par le général Senhadji. Cette modification des propositions du chef d’état major est très mal perçue par plusieurs généraux dont le secrétaire général sortant, le général major Mohamed Ghenim.

Des sources militaires concordantes indiquent que cette situation a motivé plusieurs généraux « janviéristes » – ceux qui ont poussé le président Chadli Bendjedid vers la porte de sortie en janvier 1992- à mandater leur pair, Larbi Belkheir, afin que celui-ci intercède auprès du président, et de sorte à éviter, à l’avenir, ce qu’ils considèrent comme un empiètement sur leur pré-carré.

Cette médiation donne au général Belkheir un rôle en pointe qu’accepte le chef de l’Etat. Il lui confie la direction de son cabinet, sans officialiser formellement sa nomination. Mais quelques semaines plus tard, le 30 octobre, le président Bouteflika usant de ses prérogatives de chef suprême des forces armées élève au grade de général major le secrétaire général du ministère de la défense, Ahmed Senhadji.

Cet officier -originaire de Tlemcen, comme le président- est considéré comme un « moderniste ». Partisan d’un rapprochement avec l’Union européenne et d’une coopération accrue avec l’OTAN, il a fait partie en 1993 de la commission de dialogue qui avait entamé, sans succès, des négociations avec le FIS. Sa nomination le 27 août dernier et cette nouvelle promotion font de lui, en théorie, le deuxième homme de l’institution militaire.

Le colonel Sadek Mesbah que Bouteflika avait écarté de la direction de la sécurité présidentielle a été à la même période promu général, alors qu’il ne figurait sur aucune liste de promotion de l’état-major. Depuis, un froid s’est installé entre le commandement de l’armée et la présidence de la république, et la cohabitation entre les deux camps s’avère difficile. A l’heure actuelle, sa viabilité repose sur les capacité à maintenir les équilibres du général Larbi Belkheir, principal artisan de l’accession de Abdelaziz Bouteflika à la présidence de la république .

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