ALGER, VITROLLES ET LES » ENVOYES SPECIEUX «
ALGER, VITROLLES ET LES » ENVOYES SPECIEUX «
François Burgat
Date: 2/17/98
(En hommage aux émissions » d’ information » de nos télévisions européennes)
» La djellaba, la calotte et la barbe se sont substituées au nez crochu, à la redingote et au chapeau, tandis que l’inévitable bombe à la mèche allumée tient lieu d’incisives ensanglantées et de doigts crochus. La gangrène (islamiste) n’est que la version réactualisée de la peste (juive) tandis que la pieuvre immonde continue à enserrer de ses tentacules le monde civilisé » (Jean-Francois LEGRAIN, CNRS, Le Monde , 13 mars 1996)
Comment lutter contre l’extrême droite nous demande-t-on chaque jour avec plus d’insistance ? Peut être faudrait il avant tout cesser de la nourrir d’une main tout en prétendant la combattre de l’autre . Qu’est-ce à dire ? Que tous ceux qui pourfendent bruyamment la rhétorique raciste de » la bête immonde qui ronge Vitrolles » feraient bien de se soucier de ce qu’ils font chaque jour pour produire et entretenir la dose de fantasmes et de » peur de l’autre » dont la dite bête est si friande. L’extrême droite n’aime pas les Arabes. Sous couvert d’une défense en trompe l’oeil de notre indispensable laïcité, des pans entiers de notre gauche politique et médiatique semblent avoir aujourd’hui un problème presque aussi insurmontable avec les Musulmans. Depuis plus de cinq années maintenant, l’opaque guerre civile algérienne a fourni sur ce terrain un prétexte à tous les débordements. Le racisme affectionne les raccourcis, les slogans et les amalgames. Exploitant peurs, ignorances et manipulations de l’information, les » démocrates-algériens-qui partagent-nos-valeurs » emploient pour décrire une guerre civile dont leur intolérance aveugle est en grande partie responsable, les mêmes slogans, les mêmes raccourcis et autres amalgames grossiers qui alimentent toutes les phobies racistes. Ils sont régulièrement invités néanmoins à emprunter sur nos antennes, aux heures de grande écoute, le hideux raccourci qui leur permet de déclarer qu’ils mènent à Alger » le même combat que nous dans nos banlieues « . Or, de grands ténors de la lutte contre le Front National soutiennent sans réserve leur rhétorique simplificatrice et opacifiante. Ont ils bien conscience qu’ en mettant leur énergie démocratique au service de l’intolérance du parti algérien du refus des urnes, ils alimentent les mêmes vilains réflexes qu’ils entendent combattre ailleurs? Et qu’une persistante erreur de lecture à Alger contribue à préparer demain, chez nous, d’innombrables » Vitrolles » ?