Le terroriste et son Etat

Le terroriste et son Etat

Salima GHEZALI, La Nation, 2 Août 2011

La manière de traiter du terrorisme informe parfois davantage sur celui qui donne l’information que sur celui qui en est l’objet. Le sort que l’on réserve aux criminels et à tous ceux qui contestent à des degrés divers l’ordre établi renseigne d’abord sur le type de société et de régime politique auquel on a affaire. On peut à juste titre souligner les similitudes entre le terroriste responsable de la boucherie en Norvège et d’autres terroristes responsables d’autres carnages plus près de nous. Leur fanatisme, leur absence de scrupules devant le fait de donner la mort, leur conviction d’agir au nom d’un idéal de pureté identitaire, leur haine des cultures différentes et le sentiment d’appartenir à un groupe assiégé font de tous les racistes-terroristes une même engeance.
Si le terrorisme parle une langue universelle de violence et de haine par delà les différences culturelles, qu’en est-il de l’autre universalité ? Celle des Droits humains, de L’Etat de droit, de la société civile, du respect de la dignité humaine… ?
Cela fait quelques années que des journaux annoncent la mort de Abdel kahar Belhadj, fils de Ali Belhadj. L’ancien N° 2 du FIS s’est même à plusieurs reprises rendu à Tizi-ouzou pour procéder à l’identification du corps de son fils. En vain à chaque fois. Cette image d’un homme convié par un article de presse à venir chercher au milieu des cadavres celui de son fils n’honore personne.
Cette semaine c’est dans l’explosion d’un véhicule qui, selon les journaux, devait servir à un attentat kamikaze que Abdelkahar aurait trouvé la mort. En même temps que deux autres terroristes.
Ce n’est pas la première fois que des terroristes sont annoncés pour morts et ensuite ressuscités. Par delà les questions de déontologie c’est au niveau de l’information officielle que le problème se pose. Est-il normal que l’on puisse annoncer par voie de presse la mort d’un citoyen algérien (fût-il terroriste) sans qu’aucune autorité ne se sente dans l’obligation de confirmer ou d’infirmer la nouvelle.
Des habitudes ont été prises en matière de parole et de silence des pouvoirs publics qui sont propices à tous les dérapages. Et ces dérapages se multipliant finissent par constituer une parole de substitution. Or cette parole, laissée au hasard des gesticulations haineuses ou des manipulations parle au lieu et place de l’Etat.
L’ignoble boucher du sanglant vendredi norvégien a été arrêté et présenté devant le juge sans la moindre ecchymose ni le moindre cri de haine.
Cela veut dire clairement que la différence entre la Norvège et d’autres pays moins démocratiques n’est pas à chercher du côté des terroristes mais du côté des Etats et des systèmes politiques qui en façonnent les mœurs.